Le domaine de la responsabilité décennale ne concerne pas seulement l’architecte, l’entrepreneur, le technicien ou toute autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage.
Le 2° de l’article 1792-1 du Code civil énonce que doit être réputé constructeur de l’ouvrage « toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire« .
Par un arrêt du 16 Mai 2019 (C.Cass., Civ. 3ème, 16 mai 2019, pourvoi n° 18-14483), la Cour de cassation vient en rappeler l’application, avec les conséquences que cela implique pour l’ancien maître d’ouvrage, vendeur de son bien.
En l’espèce, M. Y… a vendu à Mme R… une maison équipée d’un système d’assainissement autonome, qu’il avait construite.
Se plaignant de divers désordres atteignant l’immeuble et le réseau d’assainissement, Mme R… a, après expertise, assigné M. Y… en indemnisation de ses préjudices.
Par un arrêt du 13 Février 2017, la Cour d’appel d’AGEN rejette la demande de Madame R. au titre des désordres atteignant le système d’assainissement, retenant que celui-ci n’a pas été réalisé par M. Y… mais par une entreprise tierce.
L’arrêt est censuré par la Cour de cassation sous le visa des articles 1792 et 1792-1 du Code civil, au rappel « qu’il résulte de la combinaison de ces textes qu’est réputée constructeur d’un ouvrage, et à ce titre tenue de la garantie décennale, toute personne qui le vend après l’avoir construit ou fait construire« .
La garantie décennale s’appliquera donc à tout vendeur d’un ouvrage après achèvement, de sorte que celui-ci sera bien avisé de ménager ses recours :
- en veillant à conserver les attestations d’assurances des locateurs d’ouvrage sollicités
- en surveillant ses délais pour régulariser ses appels en garantie.
S’il ne peut échapper à une condamnation in solidum, le vendeur après achèvement pourra trouver son salut en étant intégralement garanti.
Ce régime est favorable à l’acquéreur, à condition que les travaux que l’ancien maître d’ouvrage a fait réaliser, puisse relever de la qualification d’ouvrage. Mais la jurisprudence fait preuve d’une vision extensive à ce sujet en la matière.
Ce régime est d’autant plus favorable qu’il permet d’éluder la clause de non-garantie des vices cachés en présence d’un vendeur non-professionnel.
A ce titre, il convient de relever un arrêt récent de la 3ème Chambre de la Cour de cassation (C.Cass., Civ.3ème, 18 avril 2019, pourvoi n° 18-20180) semblant restreindre l’exclusion de la clause de non-garantie des vices cachés, au seul vendeur ayant « lui-même conçu ou réalisé les travaux » :
« Attendu que, pour écarter la clause d’exonération de garantie des vices cachés, l’arrêt retient qu’il est constant et non contesté que M. R… avait effectué ou fait effectuer dans les lieux des travaux, achevés en 2007, de démolition partielle, puis de reconstruction afin de transformer d’anciens locaux commerciaux en locaux d’habitation après les avoir réunis de sorte qu’il est réputé vendeur-constructeur et ne peut être exonéré de la garantie des vices cachés ;
Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si M. R… avait lui-même conçu ou réalisé les travaux, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision »
Dans ces conditions, le 2° de l’article 1792-1 du Code civil sera fort utile à l’acheteur demandeur à l’action.