La Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé est venue consacrer le régime jurisprudentiel construit par la Cour de cassation en matière d’infection nosocomiale contractée dans un établissement de santé : avant cette Loi, et depuis un arrêt de la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation du 29 Juin 1999 (C.Cass., Civ. 1ère, 29 Juin 1999, n° 97-14254), les établissements de santé étaient tenus d’une obligation de sécurité de résultat :
« Attendu que le contrat d’hospitalisation et de soins conclu entre un patient et un établissement de santé met à la charge de ce dernier, en matière d’infection nosocomiale, une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère »
Désormais, l’article le 2ème alinéa du I de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique énonce :
« Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère »
Il faut relever au passage que
- avant la Loi du 4 Mars 2002, et depuis un arrêt du (Cass., Civ. 1ère, 29 juin 1999, 97-15818), les médecins exerçant dans un Cabinet individuel étaient également tenus d’une obligation de sécurité de résultat
- pour les faits postérieurs au 5 Septembre 2011, concernés par l’entrée en vigueur de l’article L. 1142-1, I du Code de la santé publique, la Cour de cassation estime que c’est de nouveau un régime de responsabilité pour faute prouvée qui applicable (Cass., Civ. 1ère, 25 mars 2020, n°19-16375), ce qui est peut être source de difficultés probatoires pour le patient victime.
Dès lors, désormais, seuls les établissements de santé sont soumis à un régime de responsabilité sans faute prouvée à l’égard du patient.
Cette dualité de régime a été déclarée contraire à la Constitution (décision n° 2016-531 QPC du 1er avril 2016, ce qu’a rappelé la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du12 Octobre 2016 : C.Cass., Civ. 1ère, 12 octobre 2016, 15-16894)
Reste à qualifier un établissement d’établissement de santé. Ce qui peut sembler simple de prime abord ne va pas sans difficultés en réalité au regard de la multitude de structures potentiellement amenées à prendre en charge un patient.
Ainsi, la notion d’établissement de santé au sens du 2ème alinéa du I de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique doit être écartée pour :
- une SCM (Société Civile de Moyen) qui avait pour seul objet de faciliter l’exercice de sa profession par chacun de ses membre (locaux de radiologie : Cass., Civ. 1ère, 12 juillet 2012, 11-17072; : C.Cass., Civ. 1ère, 12 octobre 2016, 15-16894)
- un groupement de coopération sanitaire : seul est responsable l’établissement de santé membre de ce groupement au sein duquel l’infection a été contractée (Cass., Civ. 1ère, 3 Mai 2018, n° 17-13561)
- Une société à responsabilité limitée, qui est constituée par des médecins radiologues pour exercer leur profession et qui a pour activité l’exploitation, l’achat, la vente et la location de matériel d’imagerie médicale et de radiothérapie (Cass., Civ. 1ère, 10 novembre 2021, n°19-24227).
En retour, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation a récemment indiqué que « la responsabilité de plein droit des établissements de santé s’étend aux infections nosocomiales survenues au sein des sociétés de radiologie qui sont considérées comme leur service de radiologie » (C.Cass., Civ. 1ère, 10 novembre 2021, n°19-24227), confirmant ainsi la position émise en 2012 (C.Cass., Civ. 1ère, 12 juillet 2012, 11-17072).
La 1ère Chambre civile a eu l’occasion, par son arrêt du 8 Décembre 2021 (C.Cass., Civ. 1ère, 8 Décembre 2021, n°19-26191, de s’intéresser à la qualification devant être donnée à une installation autonome de chirurgie esthétique, au sein de laquelle un chirurgien exerce.
Les établissements de chirurgie esthétique doivent obtenir une certification et soumises à une autorisation d’exerce par l’ARS, avec une visite de contrôle, en application des articles L. 6322-1 et suivants du Code de la santé publique.
Sur le plan factuel et procédural, il convient de retenir que
- le 25 février 2014, Mme [H] a subi une réduction mammaire réalisée par M. [B], chirurgien esthétique, dans les locaux d’une installation autonome de chirurgie esthétique, dénommée Clinique du docteur [B].
- A l’issue de l’intervention, elle a présenté une infection au niveau du site opératoire, ayant nécessité une nouvelle opération et une greffe de peau.
- Après avoir sollicité une expertise en référé, Mme [H], invoquant avoir contracté une infection nosocomiale, a assigné en responsabilité et indemnisation M. [B], pris en qualité de chef d’établissement, sur le fondement de l’article L. 1142, I, alinéa 2, du code de la santé publique.
- Elle a mis en cause la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes de Haute-Provence qui a sollicité le remboursement de ses débours.
Par un arrêt en date du 5 Septembre 2019, la Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE a condamné le Docteur B à indemniser Madame H. de ses préjudices, estimant que son établissement était soumis aux dispositions du I de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique. Le Docteur B a formé un pourvoi, contestant que sa structure autonome de chirurgie esthétique puisse être qualifié d’établissement de santé.
La 1ère Chambre civile de la Cour de cassation va valider la solution retenue par la Cour d’appel
- rappelant que selon l’article L. 1142-1, I, alinéa 2, du code de la santé publique, les établissements, services et organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère.
- estimant qu’une installation autonome de chirurgie esthétique constitue un service de santé, régi par les dispositions des articles L. 6322-1 à L. 6322-3 et R. 6322-1 à D. 6322-48 du code de la santé publique, dans lequel sont réalisés de tels actes, de sorte qu’elle est soumise, comme un établissement de santé, à une responsabilité de plein droit en matière d’infections nosocomiales.
- notant que la cour d’appel a constaté que Mme [H] avait contracté une infection nosocomiale dans les locaux de l’installation autonome de chirurgie esthétique dirigée par M. [B].
et qu’en conséquence « cette installation étant soumise à une responsabilité de plein droit, il en résulte que M. [B] ès qualités était tenu, en l’absence de preuve d’une cause étrangère, d’indemniser les préjudices subis par Mme [H] en lien avec l’infection nosocomiale« .
Ainsi, la victime bénéficie d’un régime juridique favorable.
Cette solution est d’autant plus favorable qu’il convient de rappeler que la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 a exclu de la solidarité nationale les « demandes d’indemnisation de dommages imputables à des actes dépourvus de finalité contraceptive, abortive, préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice, y compris dans leur phase préparatoire ou de suivi » (article L. 1142-3-1 du Code de la santé publique), en revenant sur la jurisprudence de la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation (C.Cass., Civ. 1ère, 5 février 2014, 12-29140).