La disparition d’une société civile immobilière laisse néanmoins subsister des effets juridiques dans le temps à l’égard de ses anciens associés.
Sa liquidation peut même être de nature à favoriser la recherche de ceux-ci sur leurs fonds propres.
L’article 1857, alinéa 1er du Code civil énonce que « à l’égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l’exigibilité ou au jour de la cessation des paiements« .
L’article 1858 du même Code précise que « les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale« .
Ainsi, lorsque la société civile est toujours en activité, le créancier doit orienter prioritairement ses demandes contre celle-ci, ne pouvant rechercher les associés qu’après d’infructueuses diligences contre la personne morale.
Cela suppose, selon la jurisprudence de la 3ème Chambre civile, la caractérisation de « vaines poursuites préalables », tendant notamment à établir l’insolvabilité de la société. Il ne suffit pas de soutenir que la société n’a plus d’adresses connues (C.Cass., Civ. 3ème, 4 Juin 2009, pourvoi n°08-12805). Le créancier doit prouver que le patrimoine social est insuffisant pour le désintéresser.
En cas de société civile en cours de liquidation, le créancier devra diriger ses demandes contre la société, prise en la personne de liquidateur, et déclaré sa dette au passif sociale. Ce n’est qu’ultérieurement, qu’il pourra rechercher les associés.
La situation est simplifiée lorsque la liquidation amiable de la Société a été clôturée : la société a totalement disparu et elle n’est plus inscrite au registre du commerce et des sociétés. Le créancier peut alors rechercher directement les anciens associés sans autre formalité préalable (C.Cass., Civ. 3ème, 10 Février 2010, pourvoi n° 09-10982).
La situation est également plus simple et favorable au créancier en présence d’une société civile de construction vente (SCCV), grâce aux dispositions de l’article L. 211-2 du Code de la construction et de l’habitation.
L’action directe contre les anciens associés est cependant limitée au paiement d’une dette.
Ainsi, la Cour d’appel de CHAMBERY, par un arrêt en date du 18 Mars 2014 (RG n°13/00187 ; Construction – Urbanisme n° 7-8, Juillet 2014, comm. 104 Christophe SIZAIRE) a conditionné l’action contre les associés à la mise en cause préalable de la société civile, représentée par un mandataire ad hoc, pour une action en nullité de la vente immobilière.
Il était donc permis de s’interroger sur la possibilité de solliciter une expertise judiciaire sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, directement contre les anciens associés, sans solliciter la désignation préalable d’un mandataire ad hoc.
Par un arrêt en date du 11 Juillet 2019 (C.Cass., Civ. 3ème, 11 Juillet 2019, pourvoi n° 18-16512), la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation offre cette possibilité, de nature à favoriser l’action des créanciers.
En l’espèce, il convient de retenir sur le plan factuel et procédural que :
- Après avoir procédé à des travaux de rénovation d’un immeuble, une SCI a vendu un appartement à Madame S.
- Postérieurement, et en tout cas le 31 Décembre 2013, les associés de la SCI ont décidé la liquidation amiable de celle-ci
- Par une délibération en date du 27 Juin 2014, l’assemblée générale extraordinaire des associés a prononcé la cloture des opérations de liquidation
- La radiation du RCS de la SCI est intervenue le 27 Juin 2014 avec publication dans un journal d’annonces légales le 25 Juillet 2014
- Soutenant que des éléments de la structure avait été modifiés, Madame S. a assigné les anciens associés devant le Juge des référés aux fins d’expertise
- Le SDC est intervenu volontairement à l’instance.
Il a été fait droit à la demande d’expertise nonobstant les contestations des anciens associés. Ceux-ci ont interjeté appel mais la Cour d’appel de POITIERS, par un arrêt du 13 Mars 2018, a confirmé la recevabilité de la demande d’expertise.
A l’appui de leurs pourvois, les anciens associés ont fait valoir que les tiers ne sont recevables à agir directement contre les associés d’une société civile liquidée que dans le cadre d’une action en paiement d’une dette sociale exigible.
La Cour de cassation rejette cependant leur argumentation en reprenant la chronologie des faits.
Cette solution est bénéfique aux créanciers car elle leur permettra de bénéficier d’une expertise judiciaire dont on connait le poids en droit immobilier, pour ensuite assoir une action aux fonds contre les anciens associés.
Reste cependant la question de l’effectivité du recours et de la solvabilité des anciens associés. Dans ces conditions, le créancier social sera bien avisé de conserver par devers lui l’attestation d’assurance de la SCI, si celle-ci a été souscrite, et avec les aléas inhérents aux désordres échappant à la responsabilité décennale, aux préjudices consécutifs non garantis, voire aux assureurs ayant disparu…