L’aléa représente la pierre angulaire du système assurantiel.
L’alinéa 2 de l’article 1108 du Code civil énonce ainsi que le contrat est « aléatoire lorsque les parties acceptent de faire dépendre les effets du contrat, quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d’un événement incertain« .
Objet même du contrat d’assurance, l’aléa doit être présent tant à la souscription du contrat que tout au long de la vie de celui-ci. C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation a pu valider une clause de non-garantie en cas de défaut d’entretien ou de réparation incombant à l’assuré, incluse dans un contrat d’assurance (C. Cass., Com., 11 Mai 2017, pourvoi n° 15-29065).
Faute d’aléa, le contrat est dépourvu d’objet et la sanction sera donc la nullité.
L’article L. 121-15 du Code des assurances rappelle que :
« L’assurance est nulle si, au moment du contrat, la chose assurée a déjà péri ou ne peut plus être exposée aux risques.
Les primes payées doivent être restituées à l’assuré, sous déduction des frais exposés par l’assureur, autres que ceux de commissions, lorsque ces derniers ont été récupérés contre l’agent ou le courtier.
Dans le cas mentionné au premier alinéa du présent article, la partie dont la mauvaise foi est prouvée doit à l’autre une somme double de la prime d’une année »
L’ancien article 1964, abrogé par l’Ordonnance du 10 Février 2016, énonçait d’ailleurs que « le contrat aléatoire est une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l’une ou plusieurs d’entre elles, dépendent d’un événement incertain« .
Il s’agit d’une nullité relative, c’est-à-dire que seule la partie au profit de laquelle la règle a été établie, peut l’invoquer (en ce sens : C.Cass., Civ.1ère, 9 Novembre 1999, pourvoi n° 97-16306).
La nullité reste cependant relativement rarement prononcée car elle impose de rapporter la preuve de la connaissance par le souscripteur de la réalisation du risque au moment de la souscription du contrat.
Par son arrêt du 20 Juin 2019 (C. Cass., Civ.3ème, 20 Juin 2019, n° 17-26383), la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation approuve une Cour d’appel qui a prononcé la nullité du contrat pour défaut d’aléa lors de la souscription, permettant ainsi à l’assureur de dénier sa garantie.
En l’espèce, il convient de retenir que
- le 16 août 2000, les Epoux S. ont donné à bail à la société Saint Barnabé auto bilan un local commercial
- se plaignant de désordres dans les lieux loués, la société locataire a, après expertise judiciaire, assigné les bailleurs et leur assureur, la société Axa France Iard, en paiement solidaire de certaines sommes au titre des travaux de remise en état et du préjudice de jouissance
- par un arrêt en date du 27 Avril 2017, la Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE a déclaré nul le contrat d’assurance souscrit par les Epoux S.
Le moyen annexé au pourvoi permet d’en savoir davantage sur la décision contestée de la Cour d’appel. Celle-ci a retenu que :
- l’essence même d’un contrat d’assurance aux termes de l’article 1964 du code civil, est la présence d’un aléa
- celui-ci doit s’apprécier au moment de la souscription du contrat
- qu’en l’espèce, il ressort des éléments fournis au dossier que les conditions ayant mené à la réalisation du sinistre, étaient déjà réalisées lors de la souscription du contrat du 26 mai 2008
- les infiltrations et fissures sont apparues dès 2003 et se sont poursuivies en 2005, suite aux travaux engagés sur les locaux du 1er étage
- les premières déclarations de sinistre ont été effectuées par le locataire auprès de son assureur en mars 2005
- l’expert judiciaire relève que les désordres sont consécutifs à la vétusté des ouvrages, à son manque d’entretien et à la qualité médiocre des travaux réalisés
- les bailleurs avaient parfaitement conscience de la réalisation du risque au moment de la souscription du contrat comme en attestent les anciennes déclarations de sinistre du locataire.
A l’appui de leur pourvoi, les Epoux S. ont soutenu que ce n’est qu’au moment de la réclamation de leur locataire, le 14 Janvier 2009, qu’ils n’avaient pu avoir connaissance du sinistre, soit postérieurement à la souscription du contrat d’assurance le 26 Mai 2008.
La Cour de cassation écarte leur moyen et valide la Cour d’appel :
« Mais attendu qu’ayant souverainement relevé que les désordres consécutifs à la vétusté du bâtiment, à son manque d’entretien et à la qualité médiocre des travaux réalisés par les bailleurs en 2005 étaient apparus dès 2003, de sorte que, lors de la souscription du contrat, le 26 mai 2008, les bailleurs avaient conscience de la réalisation du risque, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision »
Si la Cour de cassation se retranche derrière l’appréciation souveraine de la Cour d’appel, elle reprend à son compte les éléments déterminants pour caractériser le défaut d’aléa et apprécier la connaissance par les souscripteurs de la réalisation du risque au moment de la signature du contrat.
Les renseignements collectés lors de l’expertise judiciaire et consignés dans le rapport ont été utiles pour ensuite fonder la demande de nullité.
Le défaut d’aléa lors de la souscription est donc validé. L’assuré ne peut souscrire un contrat d’assurance alors qu’il sait que le risque est déjà réalisé (en ce sens : C.Cass., Civ.2ème, 11 Septembre 2014, pourvoi n°13-17236).
Reste la question de la disparition de l’aléa durant la vie du contrat d’assurance puisqu’hormis la décision de la Chambre commerciale du 11 Mai 2017, la Cour de cassation a régulièrement refusé de faire droit aux de nullité :
Il s’agit pourtant d’une question importante pour conserver au contrat d’assurance son objet.