Les entreprises doivent faire preuve d’une vigilance toute particulière lors de l’établissement de leur devis dans le cadre d’un marché à forfait, en veillant à bien appréhender les travaux à réaliser, sous peine de devoir supporter d’éventuels travaux supplémentaires.
Après avoir rappelé que ma norme NF P 03-001 (version 2000) ne peut prévaloir sur les dispositions du contrat (C.Cass., Civ. 2ème, 21 mars 2019, n° 17-31540), en estimant, sous le visa de l’article 1793 du Code civil que :
« Attendu que, pour accueillir la demande en paiement de certains travaux non prévus au marché, l’arrêt retient que la norme NF P 03-001 mentionne que les prix rémunèrent l’entrepreneur de tous ses débours, charges et obligations normalement prévisibles ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la norme NF P 03-001 ne peut prévaloir sur les dispositions du contrat, que les travaux de minage et de modification du canal de dévalaison n’avaient été ni autorisés par écrit, ni ratifiés de manière non équivoque par le maître d’ouvrage et que l’augmentation du coût des matières premières, qui n’avait pas fait l’objet d’un accord entre les parties, ne constituait pas une circonstance imprévisible pour l’entreprise, la cour d’appel a violé le texte susvisé »
La Cour de cassation vient de prononcer un nouvel arrêt de cassation sous le visa de ce même article (C.Cass., Civ.3ème, 18 Avril 2019, pourvoi n° 18-18801).
En l’espèce, une banque décide de faire rénover une de ses agences, et confie le lot gros-œuvre / démolition à une entreprise, pour un prix global et forfaitaire. En cours de chantier, cette entreprise doit effectuer des travaux de déroctage pour permettre l’abaissement de la dalle et le respect de la réglementation d’accessibilité aux personnes handicapées.
Cette entreprise assigne ensuite le maître de l’ouvrage en paiement des travaux supplémentaires ;
Pour faire droit à cette demande, la Cour d’appel de RENNES, par un arrêt en date du 21 Décembre 2017, retient que « le devis quantitatif limite les travaux confiés à l’entreprise de démolition à la “démolition du plancher béton sur sous-sol” alors qu’il s’est révélé, après démolition de la dalle en béton, que celle-ci reposait en réalité sur une assise granitique rocheuse compacte qui a rendu indispensables d’importants travaux de déroctage sur environ la moitié de la surface du plancher bas« .
La Cour de cassation censure cette décision sous le visa de l’article 1793 du Code civil, au motif que « en cas de marché à forfait, les travaux supplémentaires relèvent du forfait s’ils sont nécessaires à la réalisation de l’ouvrage« .
L’entreprise doit donc être vigilante lors de la définition des travaux et ne pas se fier uniquement aux prescriptions du CCTP, celui-ci précisant d’ailleurs quasi-ssystématiquement que l’entreprise est réputée avoir pris connaissance des lieux.
Les nouvelles dispositions de l’article 1195 du Code civil seront également sans effet, puisque l’entrepreneur risque d’être réputé avoir assumé le risque, et pourrait donc perdre le bénéfice de cet article, outre qu’en toute hypothèse, le Juge sera très vigilant sur le critère d’imprévisibilité et que tout défaut de conception ou d’anticipation de l’entreprise sera sanctionné par le rejet d’une demande de révision.