Parfois révélées et dénoncées dans la presse, la réalisation d’une construction en violation des prescriptions d’un permis de construire, d’un permis de démolir, d’un permis d’aménager n’est pas sans conséquences, notamment sur le plan pénal.
Pour les personnes physiques, l’article L. 480-3 du Code de l’urbanisme prévoit ainsi une amende d’un montant minimal de 1 200 € et pouvant atteindre, sous conditions, 300 000 €.
En cas de récidive, une perte d’emprisonnement peut être prononcée, jusqu’à 6 mois.
Les personnes morales peuvent se voir infliger une amende et, à titre accessoire, une interdiction d’exercer une activé ou une fermeture d’établissement.
Afin de ne pas laisser perdurer une situation violant les dispositions urbanistiques, le Tribunal peut également ordonner la remise en état des lieux avec celles-ci, voire la démolition de l’ouvrage. L’article L. 480-5 du Code de l’urbanisme énonce ainsi que :
« En cas de condamnation d’une personne physique ou morale pour une infraction prévue aux articles L. 480-4 et L. 610-1, le tribunal, au vu des observations écrites ou après audition du maire ou du fonctionnaire compétent, statue même en l’absence d’avis en ce sens de ces derniers, soit sur la mise en conformité des lieux ou celle des ouvrages avec les règlements, l’autorisation ou la déclaration en tenant lieu, soit sur la démolition des ouvrages ou la réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur.
Le tribunal pourra ordonner la publication de tout ou partie du jugement de condamnation, aux frais du délinquant, dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département, ainsi que son affichage dans les lieux qu’il indiquera »
Le bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l’utilisation irrégulière peut être condamné sous astreinte à faire procéder aux travaux ou à la démolition, cette astreinte pouvant atteindre 500 € par jour de retard, en vertu de l’article L. 480-7 du Code de l’urbanisme.
Le terrain et l’ouvrage peuvent néanmoins, le temps de la procédure, faire l’objet d’une cession.
Se pose alors la question de la possibilité de prévoir une garantie du vendeur à la charge de l’acquéreur pour la remise en conformité des lieux.
Les dispositions de l’article L. 480-5 du Code de l’urbanisme présente t’elle le caractère d’une sanction (donc attachée au délinquant et donc insusceptible de faire l’objet d’une garantie), ou au contraire présente t’elle un caractère réel, attaché au bien, et donc susceptible de bénéficier d’une garantie contractuelle ?
Telle était la situation soumise à la Cour de cassation qui apporte réponse par son arrêt publié du 17 Septembre 2020 (C.Cass., Civ. 3ème, 17/09/2020, n° 17-14407 et n° 17-14.408), lui donnant l’occasion de confirmer sa jurisprudence.
Déjà, par un arrêt en date du 23 Novembre 1994, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation (C. Cass., Crim., 23/11/1994, n°94-80870) avait estimé que selon l’article L. 480-5 du Code de l’urbanisme « la mise en conformité des lieux ou des ouvrages, la démolition de ces derniers ou la réaffectation du sol, sont des mesures à caractère réel dont le prononcé est laissé à la faculté discrétionnaire des juges« . Cette décision avait été confirmée par un arrêt du 20 mars 2001 (C.Cass., Crim., 20/03/2001, n°00-84859)
Le caractère réel de la mesure était consacré.
Il en va de même de l’astreinte de l’article L. 480-7 du même Code. La Chambre criminelle a ainsi indiqué que (C.Cass., Crim., 28 juin 2016, n°15-84968) « dès lors que l’astreinte assortissant une remise en état des lieux est une mesure à caractère réel destinée à mettre un terme à une situation illicite et non une peine et que les dispositions de l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme, dans leur rédaction consécutive à la loi du 24 mars 2014, entrée en vigueur le 27 mars, portant le montant maximum de l’astreinte à 500 euros par jour de retard« , le montant majoré depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle version de l’article L. 480-7 de ce Code, s’applique aux instance en cours (principe rétroactivité in mitius).
La question de la garantie sur cette mesure restait à être examinée.
Par un arrêt en date du 22 Novembre 2006, la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation (C.Cass., Civ. 3ème, 22/11/2006, n°05-14833) a indiqué que :
- « Attendu que nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ; qu’en cas de condamnation pour une infraction prévue aux articles L. 160-1 et L. 480-4 du code de l’urbanisme, le tribunal, au vu des observations écrites ou après audition du maire ou du fonctionnaire compétent, statue, même en l’absence d’avis en ce sens de ces derniers, soit sur la mise en conformité des lieux ou celle des ouvrages avec les règlements, l’autorisation ou la déclaration en tenant lieu, soit sur la démolition des ouvrages ou la réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur«
- « les mesures de restitution prévues par l’article L. 480-5 du code de l’urbanisme destinées à faire cesser une situation illicite ne constituant pas des sanctions pénales peuvent faire l’objet de garanties contractuelles de la part de l’acquéreur du bien illégalement construit«
Par cet arrêt du 17 Septembre 2020 (C.Cass., Civ. 3ème, 17/09/2020, n° 17-14407 et n° 17-14.408), la 3ème Chambre civile confirme sa jurisprudence.
Sur le plan factuel, il convient de retenir que :
- X… qui, en 2000, avait effectué des travaux d’extension d’un local commercial dans lequel il exploitait un fonds de commerce, a été condamné, le 17 février 2004, par le tribunal correctionnel, à une amende et à remettre les lieux en l’état, sous astreinte.
- Le 26 août 2005, M. X…, qui avait interjeté appel, a cédé son fonds de commerce à la société Scamille.
- L’acte de vente contenait une clause aux termes de laquelle l’acquéreur s’engageait à garantir le vendeur de l’exécution des mesures relatives au démontage de la structure illicitement mise en place et à exécuter à ses frais les travaux destinés à rendre les locaux conformes à la réglementation.
- Le 4 octobre 2005, la cour d’appel a confirmé le jugement sur la culpabilité de M. X… et dit que la démolition, à sa charge, de la construction irrégulièrement réalisée devrait intervenir dans le délai d’un an à compter de la date à laquelle l’arrêt deviendrait définitif, sous astreinte de 30 euros par jour de retard.
- Mis en demeure par l’administration de payer la somme de 20 880 euros au titre de la liquidation de l’astreinte pour la période du 10 octobre 2006 au 5 septembre 2008, M. X… a assigné la société Scamille pour obtenir le paiement de cette somme et la condamnation de l’acquéreur à remettre les lieux en l’état.
Par un arrêt en date du 20 Octobre 2016, la Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE a déclaré valable la clause de garantie stipulée dans l’acte de vente et a condamné la Société SCAMILLE à garantie. Celle-ci a alors formé un pourvoi, faisant valoir que « les mesures de restitution prononcées, par le juge pénal, en application de l’article L. 480-5 du code de l’urbanisme n’incombent qu’au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l’utilisation irrégulière du sol à l’époque où l’infraction a été commise« .
La 3ème Chambre civile rejette le pourvoi en estimant que
- « La cour d’appel a retenu à bon droit que les mesures de démolition et de mise en conformité ordonnées en application de l’article L. 480-5 du code de l’urbanisme, qui sont destinées à faire cesser une situation illicite, ne constituant pas des sanctions pénales, peuvent faire l’objet de garanties contractuelles de la part de l’acquéreur«
- « La Cour de cassation a déjà admis la validité de ces stipulations« , citant ainsi sa décision du 22 Novembre 2006 (Cass., Civ. 3ème, 22/11/2006, n°05-14833)
- « Elle a également jugé que l’astreinte qui, en application de l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme, peut assortir la remise en état des lieux constitue elle aussi une mesure à caractère réel destinée à mettre un terme à une situation illicite et non une peine« , se référant à son arrêt du 28 Juin 2016 (Cass., Crim., 28 juin 2016, n°15-84968)
- « Il en résulte que la garantie contractuelle peut s’étendre au paiement de l’astreinte«
- « La cour d’appel a retenu que, dans l’acte de cession du fonds de commerce, la société Scamille avait consenti, de manière claire, précise et non équivoque et en toute connaissance de cause, au risque de voir ordonner le démontage de la structure illicitement mise en place, et constaté que le prix de cession du fonds de commerce tenait compte des conséquences financières liées à ce démontage et à la remise en état des lieux conformément à la réglementation«
- « Elle en a exactement déduit que cette clause était valable«
- « Le moyen n’est donc pas fondé« .
Sera relevé que la Cour de cassation prend le soin de souligner l’appréciation portée par la Cour d’appel sur
- Le consentement de l’acquéreur : clair, précis et non équivoque
- L’information de l’acquéreur
- L’adéquation du prix tenant compte des conséquences financières.
A l’acquéreur dès lors de bien appréhender ce sur quoi il s’engage au vu des prescriptions contenues dans le Code de l’urbanisme.