Si les délais de prescription et de forclusion doivent être attentivement suivis, le délai de péremption de l’instance ne mérite pas moins d’attention.
L’arrêt de censure de la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation du 11 Avril 2019, (pourvoi n° 18-14223) donne un rappel intéressant.
Un couple de particulier sollicite le bénéfice d’une expertise judiciaire contre un promoteur au sujet du bien immobilier acquis dans le cadre d’une VEFA, devant le Juge des référés. Parallèlement, ils ont assigné au fond devant le Tribunal de grande instance le Promoteur, aux fins d’indemnisation de leurs préjudices. Le Promoteur a régularisé, tant dans l’instance en référé, que dans l’instance au fond, des appels en garantie contre l’Architecte, des entreprises et leurs assureurs. Des jonctions sont intervenues dans l’instance en référé comme dans celle au fond.
Le Juge des référés a rejeté la demande d’expertise à laquelle la Cour d’appel a fait finalement fait droit.
Une expertise judiciaire s’est donc tenue aboutissant au dépôt d’un rapport d’expertise.
En ouverture de rapport, les demandeurs ont conclu au fond.
Le Promoteur et deux entreprises appelées en garantie ont conclu à la péremption de l’instance principale et de l’appel en garantie.
La Cour d’appel de MARSEILLE a constaté la péremption de l’instance à l’égard de toutes les parties en retenant que :
- « il existe un lien de dépendance direct et nécessaire entre l’instance en référé et l’instance au fond puisque le rapport de l’expert sur les désordres invoqués est une pièce technique incontournable qui a pour but de permettre au juge du fond de statuer sur les demandes des parties«
- « l’assistance, par M. et Mme X…, aux opérations d’expertise, ainsi que la lettre adressée le 28 novembre 2011 par leur conseil à l’expert, ne constituent pas des diligences interruptives du délai de péremption qui a couru du 7 octobre 2011 jusqu’au 7 octobre 2013«
L’arrêt de la Cour d’appel de MARSEILLE est censuré sous le visa de l’article 386 du Code de procédure civile.
La Cour de cassation énonce que « l’instance en référé prenant fin avec la désignation de l’expert et l’instance au fond n’étant pas la continuation de l’instance en référé, les diligences accomplies à l’occasion des opérations d’expertise, dès lors qu’elles ne font pas partie de l’instance au fond, ne sont pas susceptibles d’interrompre le délai de péremption« .
L’article 386 du Code de procédure civile rappelle que « l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans« .
Dans la mesure où une expertise judiciaire peut s’avérer longue, voire très longue, il sera prudent de solliciter un sursis à statuer sur le fondement des articles 378 et suivants du Code de procédure civile.
Les effets de la péremption d’instance sont redoutables puisque l’instance introduite n’est censée n’avoir jamais existée, faisant ainsi perdre le bénéfice de l’interruption des délais notamment.
Par contre, la péremption n’atteint pas les actes extérieurs à l’instance déclarée périmée, comme une demande en référé expertise sollicitée parallèlement (C.Cass., Civ. 3ème, 6 Mai 2003, pourvoi n°00-20819 : « Mais attendu que la disparition de l’effet interruptif résultant de la péremption d’une instance au fond ne s’étendant pas à une instance distincte en référé l’ayant précédée« ). En l’espèce, les particuliers demandeurs pourront toujours envisager de se prévaloir de l’assignation en référé délivrée.