La législation sur les clauses abusives est désormais codifiée à l’article L. 212-1 du Code de la consommation.
L’article L. 212-2 du même Code précise :
« Les dispositions de l’article L. 212-1 sont également applicables aux contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels »
Ainsi, seuls les professionnels sont exclus du bénéfice de cette législation favorable.
L’article liminaire du Code de la consommation distingue entre :
- Le « consommateur » : toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ;
- Le « non-professionnel » : toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles ;
- Le « professionnel » : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel.
Pour le chef d’entreprise, ou le professionnel libéral, peut se poser la question du lien de certains contrats avec son activité professionnelle, pour envisager de bénéficier des dispositions favorables du Code de la consommation, et notamment celles relatives aux clauses abusives.
C’est sur cette question que la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation a l’occasion de revenir avec son arrêt publié du 31 Août 2022 (C.Cass., Civ. 1ère, 31/08/2022, n°21-11097).
Ainsi, récemment, la Cour de cassation a retenu la qualité de professionnel pour une personne inscrite auprès de Pôle emploi en tant que demandeur d’emploi, qui avait conclu un contrat de formation pour acquérir et faire valider des connaissances en naturopathie (C.Cass., Civ. 1ère, 9 mars 2022, n°21-10487). La 1ère Chambre civile avait alors eu l’occasion de se référer à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne :
« Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, seuls les contrats conclus en dehors et indépendamment de toute activité ou finalité d’ordre professionnel, fût-elle prévue pour l’avenir, dans l’unique but de satisfaire aux propres besoins de consommation privée d’un individu, relèvent du régime de protection du consommateur en tant que partie réputée faible (CJCE, 3 juillet 1997, C-269/95, points 16 et 17 ; CJCE, 20 janvier 2005, C-464/01, point 36 ; CJUE, 25 janvier 2018, C-498/16, point 30 ; CJUE, 14 février 2019, C-630/17, point 89) »
De même, par un arrêt en date du 20 Avril 2022 (C.Cass., Civ. 1ère, 20 Avril 2022, n°20-19043), la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation a
- Indiqué que « la personne physique qui souscrit un prêt destiné à financer l’acquisition de parts sociales ne perd la qualité de consommateur que si elle agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité professionnelle«
- Précisé que « l’acquisition de parts sociales ne suffisait pas, à elle seule, à exclure la qualité de consommateur des emprunteurs« .
Par contre, une personne qui agit « à des fins commerciales » doit être qualifiée de « professionnel » et se trouve donc exclut du bénéfice de la prescription biennale (C.Cass., Civ. 1ère, 30 Juin 2021, n° 19-23675).
Le lien avec l’activité professionnel est donc entendu stricto sensu et il faut s’attacher à apprécier la finalité du contrat conclu pour déterminer la qualité du cocontractant, ce que rappelle la 1ère Chambre civile dans son arrêt du 31 Août 2022 (C.Cass., Civ. 1ère, 31/08/2022, n°21-11097).
En l’espèce, un médecin neurologue s’était inscrit à un congrès médical et avait réservé auprès de la Société CALMA, une chambre d’hôtel dans la ville où se tenait ce congrès. En raison de son hospitalisation, ce médecin a annulé cette réservation et a sollicité le remboursement intégral du prix, en vain. Il a alors assigné la Société CALMA, en invoquant les dispositions relatives aux clauses abusives du Code de la consommation.
Par un Jugement en date du 23 Novembre 2020, le Tribunal judiciaire de BORDEAUX a rejeté la demande du médecin en lui attribuant la qualité de professionnel, en raison « du lien direct entre sa participation au congrès médical et la réservation d’hôtel ».
Le Tribunal ayant statué en premier et dernier ressort (enjeu inférieur ou égal à la somme de 5 000 € : article R211-3-24 du Code de l’organisation judiciaire), seule la voie du pourvoi était ouverte.
La Cour de cassation va censurer le Jugement sous le visa :
- De l’article liminaire du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-203 du 21 février 2017, dont elle rappelle les termes
- De l’article L. 212-1 du même code, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016
puis se réfère à la Jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne, en énonçant que :
« Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, la notion de « professionnel » est une notion fonctionnelle impliquant d’apprécier si le rapport contractuel s’inscrit dans le cadre des activités auxquelles une personne se livre à titre professionnel (arrêt du 4 octobre 2018, Komisia za zashtita na potrebitelite, C-105-17, point 35) »
Avant de reprocher au Tribunal judiciaire de BORDEAUX d’avoir écarté la qualité de consommateur alors qu’en souscrivant le contrat d’hébergement litigieux, le médecin neurologue n’agissait pas à des fins entrant dans le cadre de son activité professionnelle.
Cet arrêt présente une portée importante pour bien des professionnels en leur ouvrant la possibilité de bénéficier des dispositions du Code de la consommation.