En vertu de l’article 1792-6 du Code civil, la réception peut être expresse ou judiciaire.
La jurisprudence y a ajouté la réception tacite.
Concernant la réception judiciaire, il convient de préciser :
- Qu’elle peut intervenir dès lors que l’ouvrage est en état d’être reçu (par ex. : Cass., Civ.3ème, 10 décembre 2015, n°13-16086)
- Qu’elle peut s’accompagner de réserves (Cass., Civ. 3ème, 30 octobre 1991, n°90-12659)
- Il n’est pas nécessaire de caractériser un refus abusif du maître d’ouvrage de réceptionner (Cass., Civ. 3ème, 12 octobre 2017,n° 15-27802).
Par ailleurs, le contrat de construction de maison individuelle est défini aux articles L. 231-1 et suivants (avec fourniture du plan) et L. 232-1 et suivants (sans fourniture du plan) du Code de la construction et de l’habitation.
Le IV de l’article L. 231-6 du Code de la construction et de l’habitation semble n’envisager que l’hypothèse d’une réception expresse : « La garantie cesse lorsque la réception des travaux a été constatée par écrit et, le cas échéant, à l’expiration du délai de huit jours prévu à l’article L. 231-8 pour dénoncer les vices apparents ou, si des réserves ont été formulées, lorsque celles-ci ont été levées« .
Cependant, ces dispositions ne s’intéressent directement qu’au garant de livraison.
Dès lors, s’est posée la question la question de la possibilité (pour le constructeur surtout mais non exclusivement) de solliciter la réception judiciaire d’un ouvrage construit dans le cadre d’un CCMI.
La Cour de cassation a déjà pu admettre cette possibilité par un arrêt du 27 février 2013 (C.Cass., Civ. 3ème, 27 Février 2013, pourvoi n° 12-14090), se focalisant à cette occasion uniquement sur la date retenue pour la réception judiciaire.
La 3ème Chambre civile de la Cour de cassation, par cet arrêt publié du 21 Novembre 2019 (C.Cass., Civ. 3ème, 21 novembre 2019, n°14-22299), a l’occasion de revenir sur cette question. L’arrêt est d’autant plus intéressant que le pourvoi est dirigé contre un arrêt de la Cour d’appel de MONTPELLIER du 21 Novembre 2013 (CA Montpellier, 1re ch., sect. AO1, 21 nov. 2013, n° 11/07365, François B. c/ EURL Castors Audois : JurisData n° 2013-033021) qui avait fait l’objet d’un commentaire par Maître Christophe SIZAIRE (Construction – Urbanisme n° 10, Octobre 2014, comm. 137).
En l’espèce, sur le plan factuel, il convient de retenir que :
- et Mme X… ont conclu avec la société Les Castors audois un contrat de construction de maison individuelle
- il avait été convenu que les maîtres d’ouvrage prendraient à leur charge des travaux
- en raison d’un différend opposant les parties, M. et Mme X… ont refusé de payer la somme réclamée par le constructeur et de réceptionner l’ouvrage
- la société Les Castors audois a, après expertise, assigné M. et Mme X… en paiement et en fixation d’une réception judiciaire.
Par un arrêt en date du 21 novembre 2013, la Cour d’appel de MONTPELLIER a prononcé la réception judiciaire sans réserve de l’ouvrage.
Les Epoux X. ont formé un pourvoi, soutenant
- qu’en vertu du IV de l’article L. 231-6 du code de la construction et de l’habitation, la réception de l’immeuble construit en application d’un contrat de construction d’une maison individuelle avec fourniture de plan ne peut résulter que d’un écrit
- qu’en fixant néanmoins une date de réception judiciaire aux motifs que cette exigence ne serait posée que pour la fin de la garantie d’achèvement, la cour d’appel a violé les dispositions susvisées, ensemble l’article 1792-6 du code civil.
La Cour de cassation rejette le pourvoi
- en retenant que les dispositions applicables au contrat de construction de maison individuelle, qui n’imposent pas une réception constatée par écrit, n’excluent pas la possibilité d’une réception judiciaire
- en approuvant la Cour d’appel d’avoir prononcé la réception après avoir relevé que M. et Mme X… n’avaient pas réceptionné amiablement l’ouvrage et qu’aucun écrit n’ayant été formalisé.
La solution apparait logique puisqu’aucune disposition n’exclut expressément la réception judiciaire dans le CCMI, tandis que les dispositions de l’article L. 231-6 du Code de la construction et de l’habitation a trait au garant de livraison.
L’arrêt est par contre muet sur la date de la réception judiciaire, cette question n’étant pas l’objet du débat.
Classiquement, la date de la réception judiciaire est celle où l’ouvrage est en état d’être reçu. Dans son arrêt du 27 février 2013 (C.Cass., Civ. 3ème, 27 Février 2013, pourvoi n° 12-14090), la 3ème Chambre civile avait retenu la date de la remise des clés. Pourtant, la date où l’ouvrage est en état d’être reçu et celle de la remise des clés peuvent diverger, à plusieurs mois d’intervalle. La question n’est pas dénuée d’intérêt puisque :
- certaines situations de blocage sont telles qu’aucune remise des clefs n’est effectuée
- il y a un impact financier potentiellement important dans le calcul des pénalités de retard
- cela conditionne le point de départ des garanties légales.