Est notamment réputé constructeur « toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire » selon l’article 1792-1 du Code civil et il importe peu que le maître d’ouvrage constructeur vendeur ne soit pas un professionnel. Cela doit au contraire le constructeur non-professionnel, qui construit pour lui-même, surnommé « castor », à faire preuve de vigilance.
D’une part, il sera privé de la possibilité d’invoquer le bénéfice de la clause d’exclusion de garantie des vices cachés très généralement insérée dans l’acte authentique, assimilé à un vendeur professionnel tenu de connaître le vice (C. Cass., Civ. 3ème, 9 Février 2011, n°09-71498).
D’autre part, le vendeur s’expose à une action en responsabilité sur le fondement décennal puisque ce fondement n’est pas exclusif de la garantie des vices cachées (C.Cass., Civ.3ème, 11 mai 2010, n°09-13358). Or, les contrats d’assurance responsabilité civile (type contrat habitation) excluent habituellement toute garantie pour les désordres relevant de l’assurance dommage – ouvrage ou de l’assurance décennale (C. Cass., Civ. 3ème, 9 Février 2011, n°09-71498).
L’absence de régularisation d’un procès-verbal de réception lors de l’achèvement des travaux réalisés par le maître d’ouvrage lui-même, et la question du caractère apparent des désordres à réception, peuvent venir perturber les lignes de lecture classiquement rencontrées en présence d’un constructeur professionnel.
Ainsi, quelle est l’incidence du caractère apparent de certains désordres affectant les travaux réalisés par le constructeur vendeur sur l’action en garantie décennale de l’acheteur ?
Le régime de la responsabilité des vices cachés s’avère en effet plus contraignant sur bien des aspects que celui de la garantie décennale : le vice doit être caché au moment de la vente et l’acheteur est soumis à un délai de forclusion de deux ans à compter de la découverte du vice en vertu de l’article 1648 du Code civil.
L’acheteur pourra donc privilégier le fondement décennal mais le vendeur tentera alors de lui opposer le caractère apparent des désordres lors de la vente.
La Cour de cassation vient de rappeler que le caractère apparent du désordre s’apprécie en la personne du maître d’ouvrage au moment de la fin des travaux, et non au moment de la vente (C.Cass., Civ. 3ème, 19 Septembre 2019, n° 18-19918).
Les données de l’espèce sont simples :
- par acte du 29 mars 2013, M. et Mme R… ont vendu à M. L… et à Mme Q… (les consorts L… Q…) un chalet en bois qu’ils avaient acquis en kit et qu’ils avaient eux-mêmes monté ;
- Se plaignant d’importantes fuites d’eau, les acquéreurs ont assigné les vendeurs en réparation de leurs préjudices sur le fondement de la garantie décennale, de la garantie des vices cachés, de l’obligation de délivrance conforme et du dol.
Par un arrêt en date du 9 Mars 2018, la Cour d’appel de BESANÇON a rejeté leur demande formulée au titre de la garantie aux motifs que :
- la vente est intervenue avant l’expiration d’un délai de dix ans suivant l’achèvement du montage du chalet par les vendeurs,
- du fait des désordres d’étanchéité, l’immeuble est impropre à sa destination,
- mais que, compte tenu du caractère manifestement apparent de ces désordres au jour de la vente, la responsabilité de M. et Mme R… ne saurait être engagée sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil.
La Cour de cassation censure cette position en rappelant que :
- le caractère apparent des désordres s’apprécie en la personne du maître d’ouvrage constructeur au jour de la réception (déjà en ce sens : Cass., Civ. 3ème, 18 avril 2019, n°18-14337)
- en l’absence de procès-verbal de réception, s’agissant du maître d’ouvrage constructeur, il convient de prendre en compte la date d’achèvement des travaux (déjà en ce sens : Cass., Civ. 3ème, 10 novembre 2016, n° 15-24379).
La partie n’est cependant pas gagnée pour l’acquéreur puisqu’il risque de lui être opposé qu’en tant que constructeur, le maître d’ouvrage de l’époque ne pouvait ignorer les désordres désormais dénoncés, et sont donc apparents, sauf à ce que ceux-ci ne se soient pas manifestés, lors de la réception, tant toute leur ampleur.