L’action en garantie des vices cachés engagée par le sous-acquéreur est enfermée dans le délai de prescription de l’article L. 110-4 du Code de commerce courant à compter de la vente initiale (C.Cass., Civ. 1ère, 6 Novembre 2019, n°18-21481)

La 1ère Chambre civile de la Cour de cassation a prononcé, à 15 jours, prononcé deux arrêts concernant l’enfermement de l’action en garantie des vices cachés dans le délai de prescription définie par l’article L. 110-4 du Code de commerce.

Si l’arrêt prononcé le 24 Octobre 2019 (C.Cass., Civ. 1ère, 24 Octobre 2019, n° 18-14720), s’est concentré sur l’appel en garantie du fournisseur, l’arrêt du 6 Novembre 2019 intéresse cette fois, en sus, le sous-acquéreur (C.Cass., Civ. 1ère, 6 Novembre 2019, n°18-21481).

Il convient de rappeler que la jurisprudence est partagée :

D’un côté, la 1ère Chambre civile et la Chambre commerciale de la Cour de cassation considère que la garantie des vices cachés doit être mise en œuvre dans le délai de la prescription quinquennale extinctive de droit commun, en application de l’article L. 110-4 du Code de commerce, commençant à courir à compter de la vente initiale (Article L. 110-4, I du Code de commerce : « Les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes« )

Ainsi, dans cette configuration, deux délais doivent être surveillés :

  • Le délai de 2 années qui court à compter de la connaissance du vice
  • Le délai de 5 années qui court à compter de la vente conclue initialement (entre le fournisseur et le fabricant ou entre le fournisseur et le primo-acquéreur par exemple.

Ont ainsi statué en ce sens :

 

D’un autre côté, la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt du 6 Décembre 2018 (C.Cass., Civ. 3ème, 6 Décembre 2018, n° 17-24111) a estimé, sous le seul visa de l’article 1648 du Code civil, que « en statuant ainsi, alors que le délai dont dispose l’entrepreneur pour agir en garantie des vices cachés à l’encontre du fabricant en application de l’article 1648 du code civil court à compter de la date de l’assignation délivrée contre lui, le délai décennal de l’article L. 110-4 du code de commerce étant suspendu jusqu’à ce que sa responsabilité ait été recherchée par le maître de l’ouvrage, la cour d’appel a violé le texte susvisé« .

Cette solution a le mérite de la simplicité et de la sécurité pour l’entrepreneur. En retour, il repousse dans le temps le moment où un fournisseur sera protégé de tout recours en garantie, pouvant ainsi nuire au principe de sécurité juridique.

Par son arrêt récent du 24 Octobre 2019 (C.Cass., Civ. 1ère, 24 Octobre 2019, n° 18-14720), la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation a maintenu que « la garantie des vices cachés doit être mise en œuvre dans le délai de la prescription quinquennale extinctive de droit commun, soit, en application de l’article L. 110-4 du code de commerce, à compter de la vente initiale ».

En l’espèce, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 6 Novembre 2019, c’est le sous-acquéreur qui se trouve privé d’un recours contre le fabricant.

Sur le plan factuel, il convient de retenir que :

  • le 20 décembre 2009, M. K… (l’acquéreur) a acquis auprès d’un particulier un véhicule d’occasion de marque Mercedes-Benz (le fabricant),
  • ce véhicule avait été vendu neuf, le 20 décembre 2005, par la société Savib 36 (SAS),concessionnaire de la marque (le revendeur)
  • le véhicule ayant subi une panne le 30 avril 2011
  • une expertise a conclu à un vice de fabrication du moteur nécessitant son remplacement
  • K… a, le 17 février 2012, assigné le revendeur en réparation de son préjudice, sur le fondement de la garantie des vices cachés, puis, le 8 juillet 2013, a appelé en intervention forcée le fabricant
  • le revendeur a demandé à être garanti par le fabricant.

Par un arrêt en date du 19 Avril 2018, la Cour d’appel de BOURGES a

  • estimé que, si le point de départ du délai de prescription de droit commun de cinq ans de l’article L. 110-4 du code de commerce court, à l’égard du revendeur, à compter de la date de la vente initiale intervenue, soit à compter du 20 décembre 2005, la date de la vente initiale ne peut être opposée au sous-acquéreur lorsque celui-ci agit à l’encontre du vendeur initial ou de son assureur
  • déduit que l’acquéreur, ayant agi en garantie des vices cachés dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice, et mis en cause le fabricant, par assignation du 8 juillet 2013, son action contre ce dernier est recevable comme la demande de garantie formée contre celui-ci par le revendeur
  • déclaré non prescrite la demande formée contre le fabricant tant par l’acquéreur que le revendeur.

Le moyen reproduit au pourvoi permet d’apprécier la motivation de la Cour d’appel :

« Qu’il est constant que l’action en garantie des vices cachés doit être engagée avant l’expiration du délai de prescription de droit commun, selon une jurisprudence établie de la Cour de cassation ; qu’ainsi l’action en garantie des vices cachés doit, en application de l’article 1648 du code civil, être engagée dans les deux ans de la découverte du vice et avant l’expiration du délai de droit commun, abrégé de dix ans à cinq ans par la loi du 17 juin 2008 ;

Que même si le texte de l’article L.110-4 du code de commerce ne précise pas à quel moment le délai commence à courir, il est de jurisprudence constante que le point de départ du délai de prescription de droit commun de cinq ans tirés des dispositions précitées court, à l’égard du distributeur, à compter de la date de la vente initiale intervenue, soit à compter du 20 décembre 2005 ;

Que cependant, sans remettre en cause ce principe la cour de cassation a, dans son arrêt du 19 janvier 2010 invoqué par Monsieur V… K…, précisé que dans l’hypothèse où le bien affecté d’un vice a été revendu, la date de vente initiale de celui-ci ne peut être opposée au sous-acquéreur en tant que point de départ de l’action en prescription de l’action qu’il intente à l’encontre du vendeur initial ou de son assureur ;

Qu’en l’espèce, Monsieur V… K… ayant acquis le véhicule le 20 décembre 2009 son action en garantie des vices cachés pouvait être engagée dans un délai expirant le 20 décembre 2014 ; qu’en ayant agi dans le délai de deux ans, à compter de la découverte du vice, en garantie des vices cachés, et ayant mis en cause la société Mercedes-Benz France par assignation du 8 juillet 2013 l’action de Monsieur V… K… à l’encontre de cette dernière est recevable ainsi que celle de la SA SAVIB à son encontre »

Il sera utilement précisé que l’arrêt évoqué par la Cour d’appel est un arrêt de la Chambre commerciale en date du 19 Janvier prononcé sous le pourvoi n°08-19311 (C.Cass., Com, 19 janvier 2010, n°08-19311).

Sous le visa combiné de l’article 1648 du Code civil et de l’article L. 110-4 du Code de commerce, la 1ère Chambre civile censure la Cour d’appel de BOURGES, estimant que

  • le point de départ du délai de la prescription extinctive prévu à l’article L. 110-4 du code de commerce, modifié par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, dans lequel est enfermée l’action en garantie des vices cachés, avait couru à compter de la vente initiale, intervenue le 20 décembre 2005
  • en application des dispositions transitoires de cette loi, ce délai avait expiré le 19 juin 2013
  • le fabricant ayant été assigné le 8 juillet 2013, la prescription était acquise à cette date, ce qui rendait irrecevables les demandes dirigées contre celui-ci.

Une fois encore, cette position aboutit à priver le demandeur d’une voie d’action, avant même d’avoir à envisager celle-ci. Il ne peut qu’être conseillé à l’acquéreur, comme au fournisseur, de faire preuve d’une grande vigilance lors de la manifestation des premiers signes du vice, afin de suspendre et interrompre les délais.

En guise de conclusions, il sera indiqué que la Cour d’appel de RENNES vient récemment de prononcer une décision similaire à celle de la 1ère Chambre civile (Cour d’appel, Rennes, 2e chambre, 25 Octobre 2019 – n° 19/00310).

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