La Cour de cassation a eu encore récemment l’occasion de rappeler que la faute intentionnelle au sens de l’article L. 113-1 du Code des assurances implique la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu (C.Cass., Civ. 2ème, 16 Janvier 2020, n° 18-18909), étant indiqué que :
- la faute intentionnelle ne peut se déduire de la preuve que l’assuré avait conscience de ce que le risque assuré se produirait tel qu’il est survenu (Cass., Civ. 2ème, 28 Mars 2019, n° 18-15829: mais alors c’est la faute dolosive qui pourrait être invoquée selon la définition donnée par C.Cass., Civ. 2ème, 25 octobre 2018, n°16-23103)
- n’a pas été retenue la faute intentionnelle pour une explosion suivie d’un incendie, les incendiaires ayant seulement pour eu pour intention de détruire un local, et non le décès du locataire (Cass., Civ. 2ème, 8 mars 2018, n°17-15143)
- cette jurisprudence s’applique aussi en droit de la construction, par la jurisprudence de sa 3ème Chambre civile (C.Cass., Civ. 3ème, 1er Juillet 2015, 1 juillet 2015,n° 14-19826 et n° 14-50038).
Pour pouvoir invoquer l’exclusion de garantie, l’assureur aura besoin d’éléments concrets du dossier. L’obtention et l’examen de ces éléments peut occuper un certain laps de temps, pendant lequel l’assureur peut être amené à participer aux opérations d’expertise.
Sa participation peut-elle suffire à caractériser une renonciation à se prévaloir d’une exception de non-garantie ?
La 3ème Chambre civile de la Cour de cassation exclusion (C.Cass., Civ.3ème, 5 Mars 2020, n° 19-10371) vient d’apporter une réponse et des précisions à cette question sur un sujet plus traditionnellement abordé sous l’angle de l’article L. 113-17 du Code des assurances relatif à la direction de procédure.
En l’espèce, sur le plan factuel, il convient de retenir que
- Mme D… et son compagnon, G… A…, étaient propriétaires indivis d’une maison d’habitation, d’un bâtiment affecté à l’exploitation d’un garage et d’un véhicule automobile, assurés auprès de la société Axa France IARD (l’assureur).
- Ces biens ont été détruits par des incendies le 28 octobre 2012.
- L’assureur a opposé le 12 juin 2013 à Mme D… un refus de garantie en invoquant la faute intentionnelle de G… A…, disparu dans l’incendie de la maison et déclaré judiciairement décédé le 28 octobre 2012
- Madame D. a assigné le 24 mars 2014 l’assureur en exécution des contrats.
Le caractère intentionnel de la faute n’avait pas prêté à discussion puisque du moyen annexé au pourvoi, il ressort que :
« l’intéressé a en effet laissé à dessein des lettres manuscrites adressées tant à sa compagne, qu’à des proches, qui ont identifié son écriture, et même à son assureur afin de se désigner comme l’auteur des mises à feu, lesdites missives établissant le caractère conscient et réfléchi de l’acte commis par l’intéressé, dont il a été jugé par décision du tribunal de grande instance de Montbéliard du 28 avril 2014 qu’il avait lui-même péri dans le sinistre ; Qu’il résulte de ce qui précède que l’exclusion légale de garantie a vocation à s’appliquer en l’espèce »
L’assureur a pourtant été condamné à indemniser la victime de ses préjudices (outre la mise en place d’une expertise judiciaire), la Cour d’appel ayant considéré qu’il avait « renoncé implicitement mais sans équivoque à se prévaloir de l’exclusion légale de garantie prévue par l’article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances », au motif que :
- au cours de son audition par la Gendarmerie, le 30 octobre 2012, avait été remise à l’agent général de l’assureur une lettre de G… A…, écrite à son attention et dont l’authenticité lui avait été confirmée sans délai, par laquelle celui-ci reconnaissait être l’auteur des trois incendies, l’assureur n’a opposé à Mme D… l’exclusion de garantie que le 12 juin 2013, sans avoir auparavant émis la moindre réserve sur sa garantie, ni donné instruction au cabinet d’expertise qu’il avait missionné afin, notamment, d’évaluer les biens sinistrés, d’interrompre ses opérations
- cet expert a communiqué à son confrère l’étude de valeur vénale des bâtiments sinistrés en l’invitant à confirmer son accord avant la transmission de cette étude à l’assureur,
- l’assureur ne peut sérieusement soutenir que la poursuite de l’enquête pénale ne lui permettait pas de s’opposer à la prise en charge du sinistre alors même qu’il n’a pas attendu l’issue de celle-ci pour le faire et qu’il disposait d’éléments suffisants pour émettre à tout le moins les réserves expresses d’usage en la matière.
L’arrêt d’appel a conclu qu’il en ressort qu’en poursuivant les opérations d’expertise qu’il avait diligentées pour évaluer les biens sinistrés de son assuré, en parfaite connaissance de l’imputabilité des trois sinistres à ce dernier, l’assureur a renoncé implicitement mais sans équivoque à se prévaloir de l’exclusion légale de garantie prévue par l’article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances.
Cette décision va être censurée sous le visa combiné de l’article 1103 du Code civil et de l’article L. 113-1 du Code des assurances, la Cour de cassation
- énonçant que « le fait de poursuivre les opérations d’une expertise amiable afin de déterminer l’étendue des dommages résultant d’un sinistre n’implique pas, à lui seul, la volonté de renoncer à invoquer une telle exclusion«
- estimant que les motifs retenus par la Cour d’appel étaient « impropres à caractériser la renonciation non équivoque de l’assureur à se prévaloir de l’exclusion légale de garantie résultant de la faute intentionnelle de G… A…«
Vigilance cependant pour l’assureur qui tarde à prendre position alors qu’il dispose de toutes les données nécessaires pour se décider, son attitude et ses courriers seront attentivement examinés pour tenter de caractériser une renonciation.