Dans l’objectif de protéger le locataire, le Législateur a modifié à plusieurs reprises la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
Il en va notamment ainsi pour le congé donné par le bailleur à son locataire.
S’applique alors l’article 15 de la Loi du 6 Juillet 1989 qui exige que le congé soit justifié par plusieurs hypothèses :
- soit sa décision de reprendre le logement
- soit sa décision de vendre le logement,
- soit par un motif légitime et sérieux, notamment l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant.
Le congé donné par le bailleur doit être motivé et celui-ci doit l’indiquer au locataire, à peine de nullité.
Lorsque la décision du bailleur est justifié par la décision de reprendre le logement, il doit en outre indiquer :
- les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise
- la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire.
La Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové a renforcé cette obligation de motivation en modifiant l’article 15 de la Loi du 6 Juillet 1989, en y ajoutant :
« Lorsqu’il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu’il émane du bailleur« .
Elle a aussi ajouté :
« En cas de contestation, le juge peut, même d’office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n’apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes »
Cette Loi est en outre venue
- renforcer la possibilité du contrôle judiciaire de la réalité du congé donné, pour éviter une fraude des droits du locataire
- mettre en place une sanction pénale contre le bailleur fraudeur.
Avant la Loi du 24 Mars 2014, en cas de congé donné pour reprise au bénéfice d’un proche, la Cour de cassation estimait qu’il suffisait que le bailleur justifie de l’identité du bénéficiaire du logement (C.Cass., Civ. 3ème, 28 Novembre 2006, n°05-20567).
Désormais, le contrôle du Juge est plus étendu.
Se pose cependant la question de l’entrée en vigueur de la Loi du 24 Mars 2014 et de son application aux baux conclus antérieurement à sa promulgation.
La Loi n°2015-990 du 6 Août 2015 a précisé à son article 82 que la nouvelle rédaction de l’article 15 de la Loi du 6 Juillet 1989 est applicable aux contrats en cours au moment de son entrée en vigueur.
Par contre, la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a estimé estimer que les dispositions de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989, telles que modifiées par la loi du 24 mars 2014 promulguée le 27 mars 2014, n’étaient pas applicables à un congé délivré antérieurement à cette Loi (C.Cass., Civ. 3ème, 1er Décembre 2016, n° 15-19915).
En retour, si le congé a bien été délivré postérieurement à l’entrée en vigueur à l’entrée en vigueur de la Loi du 24 Mars 2014, se posait la question de son application aux congés délivrés pour des baux antérieurs à son entrée en vigueur.
La Cour de cassation vient d’y apporter réponse par son arrêt du C.Cass., Civ. 3ème, 9 février 2022, n° 21-10388).
En l’espèce, le 22 avril 2015, un bailleur, propriétaire d’une maison donnée à bail d’habitation à Mme [C], depuis 2003, lui a délivré un congé aux fins de reprise au bénéfice de son fils.
La locataire a assigné le bailleur aux fins de voir déclarer ce congé non valide et constater la poursuite du bail.
Par un arrêt en date du 21 Janvier 2020, la Cour d’appel de MONTPELLIER a déclaré le congé en estimant que si la loi du 24 mars 2014 a reconnu au juge le pouvoir de contrôler a priori la réalité et le sérieux du motif de congé invoqué, elle n’est pas applicable aux baux en cours à la date de son entrée en vigueur.
La locataire a formé un pourvoi.
Sous le visa des articles 2 du code civil et 15, I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 2 mars 2014, la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation va censurer l’arrêt de la Cour d’appel
- en rappelant que selon l’article 2 du Code civil, a loi nouvelle régit les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées
- en ajoutant que selon l’article 15, I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 2 mars 2014, lorsqu’il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. En cas de contestation, le juge peut, même d’office, vérifier la réalité du motif de congé. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n’apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes
- en énonçant que l’article 15, I, de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014, est applicable à la contestation du congé délivré après l’entrée en vigueur de cette loi, même si le bail a été conclu antérieurement à celle-ci.
Les Juges du fond étaient donc en mesure d’apprécier le caractère réel et sérieux du congé délivré, ce qui sera débattu devant la Cour d’appel de renvoi.