La Cour d’appel devait rechercher si l’auteur n’avait pas eu conscience de ce qu’une explosion provoquée dans son appartement entraînerait inéluctablement des conséquences dommageables dans l’ensemble de l’immeuble et n’avait pas, dès lors, commis une faute dolosive alors qu’était écartée la faute intentionnelle (C.Cass., Civ. 2ème, 10 Mars 2022, n° 20-19057)

Les notions de faute intentionnelle et de faute dolosive reviennent à nouveau dans la jurisprudence de la Cour de cassation.

Celle-ci est fondée sur l’article L. 113-1 du Code des assurances qui énonce que :

« Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Toutefois, l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré »

La faute intentionnelle est distinguée de la faute intentionnelle par la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation, consacrant leurs autonomies respectives (C.Cass., Civ. 2ème, 20 mai 2020, n°19-11538) :

« Après avoir exactement énoncé que la faute intentionnelle et la faute dolosive, au sens de l’article L. 113-1 du code des assurances, sont autonomes, chacune justifiant l’exclusion de garantie dès lors qu’elle fait perdre à l’opération d’assurance son caractère aléatoire, la cour d’appel a retenu que les moyens employés par R… V…, en installant une cuisinière à gaz et deux bouteilles de gaz dans le séjour, « dépassaient très largement ce qui était nécessaire pour uniquement se suicider » et témoignaient de la volonté de provoquer une forte explosion et que si l’incendie n’avait pas pour motivation principale la destruction de matériels ou de tout ou partie de l’immeuble, celle-ci était inévitable et ne pouvait pas être ignorée de l’incendiaire, même s’il était difficile d’en apprécier l’importance réelle et définitive »

Sur la définition de la faute intentionnelle, la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation a récemment énoncé, sous le visa de l’article L. 113-1 alinéa 2 du Code des assurances, qu’elle « implique la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu » (C.Cass., Civ. 2ème, 16 Janvier 2020, n° 18-18909).

La charge de cette preuve pèse sur l’assureur qui invoque la faute intentionnelle pour opposer une clause d’exclusion de garantie (C.Cass., Civ. 2ème, 29 Juin 2017, n° 16-12154).

Ainsi, la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation a déjà pu indiquer que faute intentionnelle ne peut se déduire de la conscience de l’assuré de ce que le risque assuré se produirait tel qu’il est survenu (Cass., Civ. 2ème, 28 Mars 2019, n° 18-15829), alors qu’il s’agissait de rechercher sa volonté de créer le dommage.

De même, pour une  explosion suivie d’un incendie, elle a estimé que les incendiaires avait seulement pour eu pour intention de détruire un local, et non le décès du locataire (Cass., Civ. 2ème, 8 mars 2018, n°17-15143).

Par son arrêt du 16 Septembre 2021, la 2ème Chambre civile revient sur l’analyse des intentions de l’assurée par rapport à la manifestation des désordres dans toute leur ampleur (C.Cass., Civ. 2ème, 16 Septembre 2021, n° 19-25678).

Par contre, il n’est pas nécessaire de rapporter la preuve d’une intention de nuire, ce qui la distingue de la faute intentionnelle (qui implique la preuve de la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu : C.Cass., Civ. 2ème, 16 Janvier 2020, n° 18-18909).

La charge de la preuve du caractère dolosif ou intentionnel de la faute pèse sur l’assureur qui l’invoque (C.Cass., Civ. 2ème, 6 Février 2020, n° 18-17868).

Cette question, si elle est posée devant les Juges du fond, doit nécessairement être tranchée, sans qu’une confusion soit opérée entre faute intentionnelle et faute dolosive, l’une n’étant pas nécessairement exclusive de l’autre et réciproquement.

C’est ce que la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation a rappelé dans son arrêt du 10 Mars 2022 (C.Cass., Civ. 2ème, 10 Mars 2022, n° 20-19057).

Sur le plan factuel et procédural, il convient de retenir que

  • le 2 août 2010, une explosion suivie d’un incendie a gravement endommagé un immeuble en copropriété et a entraîné le décès d’une résidente.

 

  • [P] a déclaré avoir provoqué le sinistre en tentant de se suicider et a été reconnu coupable par un tribunal correctionnel des délits d’homicide involontaire et de dégradation ou détérioration volontaire du bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes.
  • Les sociétés MMA, déclarant agir en qualité de subrogées dans les droits de la copropriété qu’elle avait indemnisée, a assigné la société Generali, assureur de M. [P], aux fins de condamnation de ce dernier au paiement d’une certaine somme.
  • la Société Generali a contesté la mobilisation de sa garantie, invoquant une faute intentionnelle et une faute dolosive.

Par un arrêt en date du 18 Juin 2020, la Cour d’appel de COLMAR a estimé que

  • la faute intentionnelle de l’assuré s’entend de celle qui implique la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu.
  • la société Generali n’invoque aucune circonstance permettant de démontrer que M. [P] avait la volonté de créer le dommage dont il est demandé réparation à son assureur
  • il ressort au contraire des pièces produites que, s’il a commis volontairement l’acte à l’origine de l’incendie, sa seule volonté était d’attenter à sa vie et non de nuire à celle d’autrui ou à des biens.
  • la faute intentionnelle au sens de l’article susvisé n’est pas caractérisée, peu important que l’intéressé ait été condamné pour une infraction intentionnelle au sens du droit pénal.

La Société GENERALI a formé un pourvoi, reprochant à la Cour d’appel de ne pas avoir vérifié, comme il lui était demandé, si la faute de l’assuré ne revêtait pas un caractère dolosif compte tenu de la conscience que M. [P] devait avoir des dommages que l’explosion volontaire de son appartement entraînerait nécessairement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 113-1 du code des assurances.

Sous le visa de l’article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation rappelle que :

« Selon ce texte, l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré »

avant de censurer, pour défaut de base légale, la Cour d’appel pour ne pas avoir recherché, comme elle y était invitée, si M. [P] n’avait pas eu conscience de ce qu’une explosion provoquée dans son appartement entraînerait inéluctablement des conséquences dommageables dans l’ensemble de l’immeuble et n’avait pas, dès lors, commis une faute dolosive.

Devant la Cour de renvoi, les débats devront donc nécessairement porter sur la conscience de l’auteur de provoquer des conséquences dommageables dans l’ensemble de l’immeuble.

Si la Cour de cassation met de côté, à raison, la condamnation pénale, elle rappelle que le fait qu’une faute intentionnelle ne puisse être retenue, n’empêche pas d’invoquer la faute dolosive.

Pour des faits similaires, par un arrêt en date du 20 Mai 2020, la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation (C.Cass., Civ. 2ème, 20 mai 2020, n°19-11538) avait retenu une faute similaire, estimant

  • Enonçant que la faute intentionnelle et la faute dolosive, au sens de l’article L. 113-1 du code des assurances, sont autonomes, chacune justifiant l’exclusion de garantie dès lors qu’elle fait perdre à l’opération d’assurance son caractère aléatoire,
  • relevant que la cour d’appel a retenu que les moyens employés par A… X…, en installant une cuisinière à gaz et deux bouteilles de gaz dans le séjour, “dépassaient très largement ce qui était nécessaire pour uniquement se suicider” et témoignaient de la volonté de provoquer une forte explosion
  • ajoutant que si l’incendie n’avait pas pour motivation principale la destruction de matériels ou de tout ou partie de l’immeuble, celle-ci était inévitable et ne pouvait pas être ignorée de l’incendiaire, même s’il était difficile d’en apprécier l’importance réelle et définitive.
  • Approuvant la Cour d’appel d’en avoir déduit que A… X… avait commis une faute dolosive excluant la garantie de son assureur.

Mais par un arrêt du même jour (C. Cass., Civ. 2ème, 20 Mai 2020, n° 19-14306), la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation a écarté la faute dolosive en retenant que :

« Ayant relevé par motifs propres et adoptés, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve, qu’en se jetant sous le train qui arrivait en gare, l’intention de A… X… était de mettre fin à ses jours et que rien ne permettait de conclure qu’il avait conscience des conséquences dommageables de son acte pour la SNCF, ce dont il se déduisait que l’assurance n’avait pas perdu tout caractère aléatoire, la cour d’appel, qui a caractérisé l’absence de faute dolosive, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision »

Toute la difficulté réside donc dans la charge de la preuve.

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