La clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige avec un professionnel, à recourir obligatoirement à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, de sorte qu’il appartenait à la Cour d’appel d’examiner d’office la régularité d’une telle clause (C.Cass., Civ. 3ème, 19 Janvier 2022, n°21-11095)

Les contrats d’architectes, mais aussi d’autres contrats de louage d’ouvrage, peuvent contenir une clause de conciliation préalable obligatoire. En ce qui concerne les contrats d’architecte, cette clause contraint le maître d’ouvrage à solliciter l’avis du Conseil régional de l’ordre des architectes.

Faute de respecter la mise en œuvre de cette clause avant tout engagement d’une procédure judiciaire au fond, le maître d’ouvrage pourrait voir son action déclarer irrecevable, étant rappelé que

Il sera utilement rappelé que :

L’application de ces clauses n’est cependant pas sans limites.

D’une part, en présence d’un désordre de nature décennale, est inopposable la fin de non-recevoir tirée de l’absence de mise en cause de la clause de médiation préalable obligatoire (C.Cass., Civ.3ème, 23 Mai 2019, pourvoi n° 18-15.286 ; (C.Cass., Civ.3ème, 23 mai 2007, pourvoi n°06-15668).

D’autre part, ces clauses peuvent être mises en échec par le Code de la consommation et la législation sur les clauses abusives, comme l’enseigne l’arrêt publié de la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation du 19 Janvier 2022 (C.Cass., Civ. 3ème, 19 Janvier 2022, n°21-11095).

L’article L. 212-1 du Code de la consommation énonce ainsi que :

« Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Sans préjudice des règles d’interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Il s’apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution.

L’appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la commission des clauses abusives, détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu’elles portent à l’équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.

Un décret pris dans les mêmes conditions, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.

Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies »

 

L’article R. 212-2 du Code de la consommation ajoute notamment :

« Dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions des premier et cinquième alinéas de l’article L. 212-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de :

(…)

10° Supprimer ou entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges »

Le Juge peut relever d’office le caractère abusif d’une telle clause, conformément aux dispositions de l’article R. 632-1 du même Code.

En l’espèce, sur le plan factuel et procédural, il convient de retenir que :

  • par contrat du 6 novembre 2012, M. [I] a confié la maîtrise d’œuvre de travaux de réhabilitation d’un logement d’habitation aménagé en partie dans une ancienne cave à la société Polygone habitat concept, M. [V] ayant été chargé du lot électricité ventilation.
  • [I] a donné à bail à M. [C] l’appartement ainsi réhabilité.
  • Se plaignant de la forte humidité affectant le logement, M. [C] a assigné M. [I] en exécution de travaux et réparation de ses préjudices, lequel a assigné en garantie les intervenants à l’acte de construire.
  • Une expertise a été ordonnée.

Par un arrêt en date du 24 Novembre 2020, la Cour d’appel de BESANÇON a déclaré le maître d’ouvrage  irrecevable à agir à l’encontre de la société Polygone habitat concept, celle-ci ayant opposé une fin de non-recevoir

  • constant que le contrat de maîtrise d’œuvre comporte une clause selon laquelle « en cas de litige portant sur l’exécution du contrat, les parties conviennent de saisir et de se soumettre à la commission de conciliation de l’association Franche-Comté consommateurs, et ce avant toute procédure judiciaire, sauf éventuellement mesures conservatoires. A défaut d’un règlement amiable le litige sera du ressort des juridictions compétentes »
  • relevant que M. [I] ne réplique pas à ce moyen procédural,
  • retenant que le non-respect de cette clause est sanctionné par une fin de non-recevoir.

Le maître d’ouvrage a formé un pourvoi.

Sous le visa des articles L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, R. 132-2, 10°, devenu R. 212-2, 10°, et R. 632-1 du même code, la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation énonce que

  • Selon le premier de ces textes, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
  • Le second dispose que, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont présumées abusives, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges.
  • Il est jugé, au visa de ces textes, que la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, de sorte que l’arrêt qui, à défaut de cette preuve contraire, fait produire effet à une telle clause doit être cassé (Cass., Civ. 1ère, 16 Mai 2018, n°17-16197)
  • Selon le troisième, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 et applicable au litige, le juge écarte d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des débats.

avant de censurer la Cour d’appel pour défaut de base légale en indiquant :

  • que la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige avec un professionnel, à recourir obligatoirement à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire
  • qu’il appartenait à la Juridiction du fond d’examiner d’office la régularité d’une telle clause, de sorte qu’il lui appartenait d’examiner d’office la régularité d’une telle clause, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Toute la difficulté sera pour le Professionnel de justifier de ce que cette clause n’est pas abusive alors qu’elle peut produire des effets redoutables, non susceptibles d’être régularisés en cours de procédure.

Il faut cependant rappeler que cette jurisprudence, fondée sur les dispositions du Code de la consommation, n’a vocation à bénéficier qu’aux consommateurs au sens de l’article liminaire de ce Code, et pour les contrats conclus avant le 14 Mars 2016. Pour les contrats conclus avant le 14 Mars 2016, se posera en outre la question de la caractérisation d’une SCI professionnelle ou non (en ce sens) : C.Cass., Civ. 3ème,  17 octobre 2019, n°18-18469.

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