L’article L. 113-1 du Code des assurances permet à l’assureur, hors clauses-types obligatoires, d’insérer des exclusions de garantie, à la condition que celles-ci demeurent formelles et limitées, c’est-à-dire selon la Cour de cassation :
- qu’elles ne soient pas ambigües, et donc sujette à interprétation (Cass., Civ. 1ère, 22 mai 2001, n°99-10849: « une clause d’exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu’elle doit être interprétée« )
- qu’elle ne doit pas vider la garantie souscrite de toute sa substance (Cass., Civ. 1ère, 14 janvier 1992, n°88-19313).
Ainsi, en matière de « RC produits », la Cour de cassation a pu considérer comme formelle et limitée la clause qui écarte toute prise en charge pour les « dommages matériels subis par les travaux, ouvrages ou parties d’ouvrages exécutés par l’assuré, par les objets fournis et mis en œuvre par lui, ainsi que les frais et dépenses engagées pour la réparation de ces dommages » (C.Cass., Civ. 3ème, 7 novembre 2019, 18-22033). Le 14 Février 2019 (C.Cass., Civ. 3ème, 14 février 2019, n° 18-11101), la 3ème Chambre civile avait adopté une position similaire concernant une clause excluant de toute garantie « le coût de la réfection des travaux, de la remise en état ou du remplacement des produits livrés ou ouvrages exécutés qui ont été à l’origine des dommages« , estimant que
- cette clause, claire et précise, laissant dans le champ de la garantie les dommages autres que ceux résultant des malfaçons affectant les ouvrages ou travaux,
- cette clause est donc est formelle et limitée.
De même, au titre des préjudices consécutifs, peuvent être validées des clauses excluant toute prise en charge au titre du préjudice de perte d’exploitation, comme le rappelle la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 6 Février 2020 (C.Cass., Civ. 2ème, 6 Février 2020, n° 18-25377).
De même, la 2ème Chambre civile a pu admettre que la clause selon laquelle sont exclues « les pertes indirectes de quelque nature que ce soit, manque à gagner et paralysies » définissant expressément ce qui relève du préjudice de pertes d’exploitation, est formelle et limitée (C.Cass., Civ. 2ème, 6 février 2020, n°18-25377).
La 2ème Chambre civile a l’occasion de revenir sur la question du préjudice commercial, cette fois par un arrêt de censure.
Tout le débat concernait la clause d’exclusion ainsi libellée : « sont exclus de l’assurance les pertes et dommages indirects (par exemple diminution de l’aptitude à la course, moins-value, dépréciation) ».
Sur le plan factuel, il convient de retenir que :
- la société Cybele Rent, qui a pour objet social la vente, la location de tout matériel roulant homologué à usage routier, éco durable et naviguant, la création et la promotion d’événements commerciaux et culturels et toutes les activités de conseil en découlant, est propriétaire d’un voilier qui s’est échoué, le 14 octobre 2012, lors du passage de la tempête Rafael.
- La société Cybele Rent a assigné la société Pantaenius en exécution du contrat « multirisques plaisance » qu’elle avait souscrit, le 6 décembre 2011.
- La société Pantaenius, affirmant qu’elle avait agi en qualité de courtier pour le compte de la société d’assurance de droit anglais, Ace European Group Ltd, cette dernière est intervenue à l’instance ainsi que la société de droit allemand, également dénommée Ace European Group Ltd.
Par un arrêt en date du 25 Février 2019, la Cour d’appel de BASS-TERRE a rejeté la demande de la société Cybele Rent en indemnisation de son préjudice commercial, aux motifs que
- l’article 6a des conditions conventionnelles applicables du contrat d’assurance prévoit expressément que « sont exclus de l’assurance les pertes et dommages indirects (par exemple diminution de l’aptitude à la course, moins-value, dépréciation) » et que cette clause suffisamment explicite s’entend comme excluant tout préjudice qui ne découle pas directement du fait générateur, telle précisément la perte de revenus tirée de l’arrêt de l’exploitation.
- il n’y a pas lieu de considérer cette clause comme vidant la garantie de sa substance et que c’est à raison que la réparation du préjudice commercial réclamée a été écartée par le premier juge.
Sous le visa de l’article L. 113-1 du Code des assurances, la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation
- rappelle qu’il « résulte de ce texte que les clauses d’exclusion de garantie ne peuvent être tenues pour formelles et limitées dès lors qu’elle doivent être interprétées
- censure l’arrêt d’appel dans la mesure où « cette clause d’exclusion de garantie, en ce qu’elle ne se réfère pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées, n’est pas formelle et limitée et ne peut recevoir application en raison de son imprécision, rendant nécessaire son interprétation, la cour d’appel a violé le texte susvisé« .
De nouveau, la 2ème Chambre civile rappelle qu’il est important pour l’assureur de faire preuve de précision dans la définition de ses clauses d’exclusion.