La 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a l’occasion de revenir sur la définition du contrat de louage, ses limites et ses distinctions avec des notions voisines.
L’intérêt n’est pas des moindres pour le bailleur puisqu’il peut bénéficier des dispositions favorables de l’article 1733 du Code civil, faisant peser sur le locataire une présomption réfragable de responsabilité, en énonçant :
« Il répond de l’incendie, à moins qu’il ne prouve :
Que l’incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction.
Ou que le feu a été communiqué par une maison voisine »
Encore faut-il caractériser un contrat de louage au sens de l’article 1709 du Code civil, qui énonce :
« Le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer »
Sur la base de ces dispositions, a été écartée la notion de contrat de louage pour une convention d’occupation précaire (C.Cass., Civ. 3ème, 29 avril 2009, 08-13308).
De même, la 3ème Chambre civile a écarté la notion de louage pour le contrat de séjour par lequel une maison de retraite s’oblige à héberger une personne âgée et à fournir des prestations hôtelières, sociales et médicales (C.Cass., Civ. 3ème, 1er Juillet 1998, 1 juillet 1998, n°96-17515).
Désormais, de manière plus globale, les maisons de retraite sont incluses dans le cadre du contrat de séjour visé à l’article L. 311-4 du Code de l’action sociale et des familles. Ce contrat de séjour
- définit les objectifs et la nature de la prise en charge ou de l’accompagnement dans le respect des principes déontologiques et éthiques, des recommandations de bonnes pratiques professionnelles et du projet d’établissement ou de service
- détaille la liste et la nature des prestations offertes ainsi que leur coût prévisionnel.
Ses caractéristiques sont-elles de nature à l’inclure dans le contrat de louage et donc, par voie de subséquent, d’impliquer l’application de la présomption de responsabilité établie par l’article 1733 du Code civil.
Par deux arrêts publiés le même jour, la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation écarte cette caractérisation.
Les données de l’espèce sont très similaires.
Dans la 1ère affaire ((C.Cass., Civ. 3ème, 3 décembre 2020, n°20-10122)
- le 1er septembre 2008, Mme X… a conclu un contrat de séjour avec la société Résidence Les Tilleuls, qui exploite un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHAD).
- Le 11 mai 2009, un incendie, dont l’origine est demeurée indéterminée, s’est déclaré dans la chambre occupée par Mme X….
- Par acte du 28 août 2012, la société Résidence Les Tilleuls et la société Axa France Iard, son assureur, subrogée dans ses droits, ont assigné la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (la Matmut), assureur de Mme X…, en réparation des dommages causés par le sinistre, sur le fondement de l’article 1733 du code civil.
Par un arrêt en date du 5 Novembre 2019, la Cour d’appel de CAEN a fait droit cette demande, aux motifs que :
« Un EHPAD consiste à la fois en une prestation d’hébergement relevant du contrat de louage, ce que ne contredit nullement l’existence d’un règlement intérieur, ni la dénomination de contrat de séjour et en des prestations de services et de soins et que cette situation nécessite de faire une application distributive de régimes différents, de sorte que la présomption de responsabilité du locataire, prévue par l’article 1733 du code civil en cas d’incendie survenu dans les lieux donnés à bail, doit recevoir application »
L’assureur du résident a formé un pourvoi, mettant notamment en avant les prestations à caractère médical, de services et soins qui feraient obstacle à la caractérisation d’un contrat de louage.
Dans la 2ème espèce (C.Cass., Civ. 3ème, 3 Décembre 2020, n° 19-19670)
- l’association de résidences foyers (l’Arfo), qui gère des logements pour les personnes retraitées, a conclu avec A… X… un contrat de séjour portant sur la mise à disposition d’un appartement et de services annexes.
- Le 9 juillet 2011, un incendie, survenu dans ce logement, s’est propagé à d’autres appartements et aux parties communes de l’immeuble et a causé le décès de A… X….
- Soutenant que l’occupante des lieux était responsable du sinistre sur le fondement de l’article 1733 du code civil, l’Arfo a assigné l’assureur de celle-ci, la société Pacifica, en indemnisation de son préjudice.
Par un arrêt en date du 30 Avril 2019, la Cour d’appel de Reims, a fait droit à la demande dirigée contre la Société PACIFICA, aux motifs que :
« le contrat a pour objet principal de mettre à la disposition de l’occupante un logement et une cave à titre exclusif en contrepartie d’une redevance couvrant le loyer et les charges de chauffage, d’eau et d’électricité et que les prestations complémentaires portant sur le service des repas, le dispositif d’alarme et les animations sont facultatives et ne présentent qu’un caractère accessoire, de sorte que ce contrat de séjour est assimilable à un bail et que l’occupant des lieux est présumé responsable de l’incendie par application de l’article 1733 du code civil »
Dans ces deux arrêts, la Cour de cassation va censurer sous le visa de l’article 1709 du Code civil
- rappelant que « le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer«
- énonçant que « le contrat de séjour au sens de l’article L. 311-4 du code de l’action sociale et des familles est exclusif de la qualification de contrat de louage de chose » avant de censurer les Cours d’appel pour fausse application de l’article 1709 du Code civil.
Dès lors, les dispositions de l’article 1733 du Code civil n’était pas mobilisable et c’est alors vers le régime de la responsabilité contractuelle qu’il aurait fallu se tourner, en rapportant la preuve d’une faute et d’un lien de causalité