Corrélaire permanent de ses missions, l’obligation de conseil pèse sur le maître d’œuvre dès le début de son intervention.
Cette obligation doit conduire le maître d’œuvre à :
- dissuader le maître d’ouvrage de retenir une solution technique non pertinente voire de refuser de la réaliser (, Civ. 3ème, 13 février 2020, n°19-10294).
- se renseigner sur la destination du projet du maître d’ouvrage et ses caractéristiques, afin d’adapter le cas échéant ensuite la conception de l’ouvrage (Cass., Civ. 3ème, 2 Juin 2016, n° 15-16981)
- alerter le maître d’ouvrage sur les risques qu’une entreprise ne dispose ni de l’encadrement, ni des compétences pour mener à bien un chantier d’importance (Cass., Civ. 3ème, 21 juin 2018, 17-19863) sauf s’il n’est chargé que de missions APS, PC et coordination (C.Cass., Civ. 3ème, 20 décembre 2018, n°17-18404)
- s’assurer de la faisabilité du projet (Cass., Civ. 3ème, 14 décembre 2004, n°03-15948).
A défaut, et en cas de désordres imputables, ce manquement risque de lui être reproché.
Il est important aussi, tout au long de sa mission, qu’il se ménage la preuve du bon respect de cette obligation.
La 3ème Chambre civile vient de rappeler que la charge de la preuve du bon respect de cette obligation pèse sur le maître d’œuvre, confirmant ainsi sa jurisprudence (C.Cass., Civ. 3ème, 14 décembre 2004, n°03-15948), et qu’il importe peu qu’aucun écrit n’aborde ces questions.
Sur le plan factuel, il convient de retenir que :
- en 1998, Mme G…, architecte, a confié à M. U…, également architecte et alors son époux, la maîtrise d’œuvre d’un projet de rénovation et d’extension d’une maison d’habitation.
- U… a réparti les lots entre différentes entreprises
- Mme G… et M. U… ont divorcé.
- Se plaignant de différents désordres, retards et problèmes de paiement, Mme G… a assigné, après expertise, M. U…, et les constructeurs en responsabilité et réparation de ses préjudices.
- Par jugement du 11 octobre 2016, Mme G… a été placée en liquidation judiciaire. La société BTSG a été nommée en qualité de liquidateur.
Par un arrêt en date du 14 Mars 2019, la Cour d’appel de LIMOGES a notamment rejeté la demande de Mme G… et son liquidateur tendant à voir condamner, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, M. U… à lui verser la somme de 3 273 829 euros, au motif qu’aucun manquement ne peut être retenu contre l’Architecte au titre de son devoir de conseil, faute de documents écrits, et qu’il est ainsi difficile d’établir que celui-ci aurait manqué à son obligation de conseil envers Mme G….
Sous le visa de l’article 1315 du Code civil, devenu 1353, l’arrêt d’appel est censuré par la 3ème Chambre civile qui :
- rappelle qu’il résulte de ce texte qu’il incombe au débiteur de l’obligation de conseil de prouver qu’il a respecté cette obligation.
- qui reproche à la Cour d’appel d’avoir inversé la charge de la preuve.
Il reviendra donc à l’Architecte, devant la Cour d’appel de renvoi, de rapporter la preuve qu’il a correctement rempli son devoir de conseil, malgré les difficultés probatoires.