Les contrats d’architectes, mais aussi d’autres contrats de louage d’ouvrage, peuvent contenir une clause de conciliation préalable obligatoire. En ce qui concerne les contrats d’architecte, cette clause contraint le maître d’ouvrage à solliciter l’avis du Conseil régional de l’ordre des architectes.
A la lecture de cette clause, faute de respecter la mise en œuvre de cette clause avant tout engagement d’une procédure judiciaire au fond, le maître d’ouvrage pourrait voir son action déclarer irrecevable.
Cependant, la Cour de cassation vient, à nouveau (C.Cass., Civ.3ème, 23 Mai 2019, pourvoi n° 18-15.286), d’en contenir la portée en confirmant sa jurisprudence. Une telle clause ne peut être invoquée en présence d’une action fondée sur la garantie décennale. Le Juge doit y veiller, si nécessaire en soulevant d’office ce moyen.
En l’espèce, il ressort que pour la construction de leur maison d’habitation, Monsieur X et Madame Y ont confié
- une mission de maîtrise d’œuvre à la société Aedifi
- l’exécution des travaux de gros-oeuvre à la société Les Bâtiments artésiens
Les travaux ont été réceptionnés le 1er août 2012.
La société Les Bâtiments artésiens a assigné Monsieur X et Madame Y en paiement d’un solde restant dû
Se plaignant de désordres, Monsieur X et Madame Y ont appelé à l’instance la société Aedifi, sollicité une expertise et réclamé l’indemnisation de leurs préjudices.
Par un arrêt en date du 18 Janvier 2018, la Cour d’appel de DOUAI a déclaré leur action irrecevable contre l’architecte
- s’appuyant sur la clause insérée dans le contrat d’architecte ainsi libellé : « En cas de différend portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l’ordre des architectes dont relève l’architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire »
- considérant que Monsieur X et Madame Y « ne justifient pas avoir mis en oeuvre la procédure organisée par cette clause préalablement à la présentation de leur demande d’expertise, que le défaut de mise en oeuvre d’une procédure contractuelle de conciliation préalable à une action judiciaire avant la saisine de la juridiction du premier degré ne peut être régularisé en cause d’appel et que faute pour M. X… et Mme Y… d’avoir saisi pour avis le conseil régional de l’ordre des architectes avant la présentation de leur demande contre la société Aedifi en première instance, cette demande ainsi que celles qui sont formées en cause d’appel sont irrecevables« .
L’arrêt est censuré par la Cour de cassation sous le visa de l’article 12 du Code de procédure civile (défaut de base légale), au motif que :
« Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, au besoin d’office, si l’action, exercée postérieurement à la réception de l’ouvrage, en réparation de désordres rendant l’ouvrage impropre à sa destination, n’était pas fondée sur l’article 1792 du code civil, ce qui rendait inapplicable la clause litigieuse, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision »
Il s’agit d’un arrêt de confirmation, la Cour de cassation ayant déjà estimé en 2007 (C.Cass., Civ.3ème, 23 mai 2007, pourvoi n°06-15668) que :
« Mais attendu qu’ayant relevé à bon droit que la clause de saisine préalable à toute action judiciaire en cas de litige sur l’exécution du contrat de l’ordre des architectes ne pouvait porter que sur les obligations des parties au regard des dispositions de l’article 1134 du code civil, la cour d’appel, qui en a exactement déduit qu’elle n’avait pas vocation à s’appliquer lorsque la responsabilité de l’architecte était recherchée sur le fondement de l’article 1792 du même code, et qui a constaté, sans trancher de contestation sérieuse, que M. X… avait assuré une mission complète de direction et de contrôle des travaux et que les dommages aux ouvrages qui avaient été réceptionnés trouvaient leur origine dans l’absence d’étude de sol et une inadaptation de la conception des fondations, a pu, sans dénaturation, sans violer le principe de la contradiction et abstraction faite d’un motif erroné mais surabondant relatif au moment où la fin de non-recevoir devait être soulevée, condamner M. X… à payer des provisions à Mme Y… »
Il sera utilement rappelé que :
- Cette clause ne fait pas échec à une demande d’expertise judiciaire, mesure d’instruction in futurum, fondée sur l’article 145 du Code de procédure civile (Cass., Civ. 3ème, 28 mars 2007, pourvoi n° 06-13209)
- Les parties doivent faire preuve de vigilance puisqu’une régularisation en cours d’instance n’est pas possible (Cass., Ch. Mixte, Cour de cassation, Chambre mixte, 12 décembre 2014, 13-19684)
- Il convient d’examiner avec attention la clause en question afin d’apprécier son caractère obligatoire ou non : « la clause contractuelle prévoyant une tentative de règlement amiable, non assortie de conditions particulières de mise en œuvre, ne constitue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s’imposant à celui-ci« ( Cass., Com, 29 Avril 2014, pourvoi n° 12-27004)
- La fin de non-recevoir opposée par l’Architecte en vertu d’une clause de conciliation préalable obligatoire ne fait pas obstacle à l’action directe contre l’assureur ( Cass., Civ.3ème, 10 novembre 2016, pourvoi n° 15-25449)
- Strictement contractuelle, cette clause ne s’applique pas dans le cadre des recours en garantie dans le cadre délictuel. Par contre, elle pourra être opposée au contractuellement subrogé (Cass., Civ. 3ème, 28 avril 2011, pourvoi n°10-30721).
En conclusion, la vigilance du maître d’ouvrage devra surtout être de mise pour les garanties facultatives (responsabilité civile) car c’est à cette occasion qu’il sera exposé :
- Soit à la fin de non-recevoir tirée de l’absence de respect de la clause de conciliation préalable obligatoire
- Aux exclusions de garantie de l’assureur ou à tout le moins ses franchises opposables, le privant d’une indemnisation intégrale.