La responsabilité décennale suppose notamment la présence d’un constructeur au sens de l’article 1792-1 du Code civil, c’est-à-dire :
- « 1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ;
- 2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire ;
- 3° Toute personne qui, bien qu’agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage«
Le propriétaire d’un bien immobilier qui fait réaliser des travaux puis vend son ouvrage est donc susceptible de voir sa responsabilité recherchée sur le fondement décennal. Cela vaut tant pour le maître d’ouvrage qui réalise lui-même les travaux (dit « le castor » ; C.Cass., Civ. 3ème, 19 Septembre 2019, n° 18-19918). que pour celui qui fait réaliser ces travaux par des locateurs d’ouvrage, dont il a tout intérêt à conserver les attestations d’assurance pour préserver ses recours.
La 3ème Chambre civile de la Cour de cassation vient en effet de rappeler que celui qui fait procéder à des travaux entrant dans la qualification d’ouvrage, est susceptible de voir sa responsabilité recherchée, après la vente, sur le fondement décennal, mais uniquement pour les seuls désordres susceptibles de relever de la garantie décennale, c’est-à-dire de présenter une impropriété à destination pour l’ouvrage, ou une atteinte à sa solidité.
En l’espèce, sur le plan factuel, il convient de retenir que :
- et Mme G… ont vendu une maison d’habitation à Mme S…, veuve L…, par l’intermédiaire de l’agence immobilière société Différence-Immo.
- Un dossier de diagnostic technique a été établi par la société Ouest expertises.
- Avant la vente, au cours des années 2005 et 2006, M. et Mme G… avaient fait procéder à des travaux consistant notamment en la rénovation partielle de l’installation électrique et en un tubage de la cuisinière confiés à Mme Y…, puis, en la pose d’un insert dans la chambre et du tubage correspondant, confiés à M. O….
- Se plaignant de désordres en relation avec une infestation par un champignon lignivore, de malfaçons et non-conformités affectant l’isolation, ainsi que les installations de fumisterie et d’électricité, Mme L… a assigné en indemnisation M. et Mme G…, le GAN, assureur de la société Ouest expertises, la société Différence-Immo et son assureur, la société Droit Auffret, M. O… et la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire, dite Groupama Loire Bretagne, leur assureur, ainsi que Mme Y….
Par un arrêt en date du 29 Mars 2018, la Cour d’appel de RENNES a notamment condamné les maîtres d’ouvrage vendeurs, in solidum avec les constructeurs
- à verser à l’acheteuse la somme de 31 650,20 euros, au titre des travaux de reprise des porte fenêtres, de doublages non conformes, de l’isolation des combles, des installations de fumisterie, du garde corps de l’escalier
- aux motifs retient qu’ils sont responsables de plein droit des conséquences des travaux de rénovation exécutés dans l’immeuble.
Les Epoux G., maîtres d’ouvrage vendeurs, ont formé un pourvoi, soutenant qu’ils ne pouvaient être tenus au titre de la garantie décennale que pour les défectuosités rendant l’immeuble impropre à l’habitation normale et en toute sécurité, soit l’installation électrique – dont la cour a constaté que l’acquéreur était informé des désordres lors de la vente – et les travaux de fumisterie.
Sous le visa de l’article 1792 du code civil, la Cour de cassation rappelle que
« Selon ce texte, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination »
Puis, la 3ème Chambre civile :
- constate que pour condamner M. et Mme G… à payer la somme de 31 650,20 euros, au titre des travaux de reprise des porte fenêtres, de doublages non conformes, de l’isolation des combles, des installations de fumisterie, du garde corps de l’escalier, l’arrêt retient qu’ils sont responsables de plein droit des conséquences des travaux de rénovation exécutés dans l’immeuble.
- Reproche à la Cour d’appel d’avoir statuer ainsi sans constater, à l’exception des désordres affectant les installations de fumisterie, que les dommages compromettaient la solidité de l’ouvrage ou le rendaient impropre à sa destination, et d’avoir ainsi violé l’article 1792 du Code civil.
Il convient de rappeler, à titre de conclusion, que
- la 3ème Chambre civile avait déjà retenu une telle solution en 2019 par un arrêt du 16 Mai 2019 (Cass., Civ. 3ème, 16 mai 2019, pourvoi n° 18-14483)
- pour le constructeur dit « castor », le point de départ de la responsabilité décennale sera non pas la réception des travaux (tacite ou expresse), mais l’achèvement des travaux ((Cass., Civ. 3ème, 19 Septembre 2019, n° 18-19918).
Pour échapper à sa responsabilité décennale, le maître d’ouvrage devra notamment contester
- la qualification d’ouvrage (sur la qualification d’ouvrage d’un système de climatisation : Cass., Civ. 3ème, 28 Janvier 2009, n°07-20891), même si l’adjonction d’un simple élément d’équipement peut suffire à impliquer la responsabilité décennale (Civ. 3ème, 15 Juin 2017, pourvoi n° 16-19640, Civ. 3ème, 14 Septembre 2017, pourvoi n° 16-17323et encore C.Cass., Civ. 3ème, 7 Mars 2019, pourvoi n° 18-11741).
- l’impropriété à destination de l’ouvrage dans son ensemble (pour un simple inconfort lié à un dysfonctionnement du système de climatisation : (Cass., Civ. 3ème, 7 novembre 2019, n°18-18318) ou l’atteinte à la solidité.
A défaut, il sera prudent de conserver tous les éléments nécessaires pour assurer des recours solvables.