Confirmation : une reconnaissance de responsabilité n’interrompt pas le délai de forclusion décennale de l’action du maître de l’ouvrage en réparation de désordres apparus postérieurement à la réception (C.Cass., Civ. 3ème, 17 Octobre 2024, n° 23-13.305)

La maîtrise des délais reste une question primordiale et la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler l’importance de cette question en confirmant sa jurisprudence relative à l’absence d’effet d’une reconnaissance sur un délai de forclusion.

Les articles 2239 (Section 2 : Des causes de report du point de départ ou de suspension de la prescription) et 2241 (Section 3 : Des causes d’interruption de la prescription) du Code civil traitent respectivement de la suspension de la prescription et de l’interruption des délais de forclusion.

Les enjeux ne sont pas négligeables en droit de la construction car

Il est donc important de bien qualifier chaque délai. Il en va ainsi du délai de 10 années de la responsabilité décennale (prévu à l’article 1792-4-1 du Code civil) mais du délai applicable à la garantie des vices intermédiaires (en vertu de l’article 1792-4-3 du Code civil).

De plus, la reconnaissance figure sous la Section 3 « Des causes d’interruption de la prescription (Articles 2240 à 2246) » et son article 2240 du Code civil qui énonce que :

« La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription« .

Pour produire effet, la reconnaissance doit être non équivoque (C.Cass., Com., 9 mai 2018, n°17-14568).

La reconnaissance, même partielle, que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait, entraîne pour la totalité de la créance un effet interruptif qui ne peut se fractionner (C.Cass., Civ. 3ème, 14 mai 2020, n°19-16210).

La reconnaissance peut se déduire

Avant la réforme opérée par la Loi du 17 Juin 2008, la reconnaissance était régie par l’article 2248 qui énonçait :

« La prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur ou le possesseur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait »

Sur la base de cette disposition, la Cour de cassation avait estimé que la reconnaissance pouvait interrompre le délai décennal (pour une reconnaissance implicite : C.Cass., Civ. 3ème, Chambre civile 3, 20 février 1969 ; C. Cass., Civ. 3ème, 4 décembre 1991, n°90-13461 C.Cass., Civ. 3ème, 10 juillet 2002, 01-02243).

Par un arrêt en date du 10 Juin 2021 (C.Cass., Civ. 3ème, 10 juin 2021, n°20-16837), la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation avait opéré un revirement de jurisprudence.

Elle le confirme par son arrêt du 17 Octobre 2024 (C.Cass., Civ. 3ème, 17 Octobre 2024, n° 23-13.305).

En l’espèce :

  • le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Patio de Houelbourg a confié à la la société GE la réalisation de travaux d’étanchéité de la cour centrale de l’immeuble.
  • Se plaignant de désordres, le syndicat des copropriétaires a assigné, par acte du 18 juin 2012, la société GE aux fins d’indemnisation de ses préjudices.
  • Le 21 février 2013, les parties ont conclu une transaction aux termes de laquelle la société GE devait réaliser divers travaux de réparation et le syndicat des copropriétaires se désister de son instance.
  • Se prévalant de l’exécution défectueuse de ces travaux de reprise, le syndicat des copropriétaires a assigné la société GE, par acte du 15 avril 2014, aux fins de résolution de celle-ci et en réparation des désordres.

Par un arrêt en date du 27 Octobre 2022, la Cour d’appel de BASSE-TERRE a notamment  déclaré recevable l’action formée par le syndicat des copropriétaires, et l’a condamné à lui payer une certaine somme en réparation des désordres nés de son exécution fautive, alors que la Société GE opposait la forclusion.

La Société GE a formé un pourvoi.

La 3ème Chambre civile de la Cour de cassation, sous le visa des articles 1792-4-1, 1792-4-3, 2220 et 2240 du code civil, rappelle que

  • en application des deux premiers de ces textes, les actions du maître de l’ouvrage contre le constructeur en réparation des désordres affectant l’ouvrage doivent être exercées, à peine de forclusion, dans le délai de dix ans à compter de sa réception.
  • Selon le troisième, un délai de forclusion n’est pas, sauf dispositions contraires, régi par les dispositions concernant la prescription.
  • Aux termes du quatrième, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription

avant d’énoncer qu’il en résulte que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait n’interrompt pas le délai de forclusion des actions du maître de l’ouvrage contre le constructeur en réparation des désordres affectant l’ouvrage, se référant expressément à son arrêt du 10 Juin 2021 ((C.Cass., Civ. 3ème, 10 juin 2021, n°20-16837).

Puis elle rappelle que la Cour d’appel avait écarté la forclusion opposée par la Société GE, aux motifs que

  • le 4 juin 2010, la société GE s’était engagée à ses frais à reprendre les désordres apparus à la suite des travaux qu’elle avait réalisés et facturés le 27 novembre 2000
  • cet engagement ayant interrompu le délai de toute garantie décennale, l’action en réparation engagée le 14 avril 2014 n’était pas atteinte par la prescription.

ce qu’elle censure pour violation des articles susvisés « alors qu’une reconnaissance de responsabilité n’interrompt pas le délai de forclusion décennale de l’action du maître de l’ouvrage en réparation de désordres apparus postérieurement à la réception« .

Ainsi, à nouveau, il convient pour le maître d’ouvrage d’être prudent en cas d’intervention en reprise d’un constructeur en approche de limite de délais car une proposition d’intervention en reprise ne le place pas à l’abri de la forclusion.

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