Les obligations pesant sur l’assureur dommage-ouvrage sont encadrées de manière stricte, notamment par les dispositions de l’article L. 242-1 du Code des assurances, en termes de délais mais aussi d’offres. L’objectif du législateur est d’inciter une prise en charge rapide des dommages du maître d’ouvrage par l’assureur DO, à charge pour lui, ensuite, en raison du pré-financement, d’effectuer ses recours contre les responsables et leurs assureurs respectifs.
En cas de manquement, l’alinéa 5ème de l’article L. 242-1 du Code des assurances prévoit :
- La possibilité pour le maître d’ouvrage, après notification à l’assureur DO, d’engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages
- Une majoration de l’indemnité versée par l’assureur DO par l’application de plein droit d’un intérêt au double taux du taux de l’intérêt légal.
« Lorsque l’assureur ne respecte pas l’un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d’indemnité manifestement insuffisante, l’assuré peut, après l’avoir notifié à l’assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L’indemnité versée par l’assureur est alors majorée de plein droit d’un intérêt égal au double du taux de l’intérêt légal »
Une fois la garantie de l’assureur DO acquise, le montant de la garantie est alors égal au coût des travaux de remise en état des ouvrages dans la limite du coût total prévisionnel de la construction (C.Cass., Civ. 3ème, 14 décembre 2011, 10-27153).
La Cour de cassation a pu rappeler à plusieurs reprises que la liste des sanctions applicables à l’assureur DO sont limitatives :
- Cass., Civ. 3ème, 17 Octobre 2019, n° 18-11103: pas de prise en charge des préjudices immatériels à titre de sanction
- Cass., Civ. 3ème, 17 juillet 2001, n°98-21913 (rejet de la demande dirigée contre l’assureur DO au titre d’un préjudice de perte d’exploitation)
- Cass., Civ. 3ème, 17 novembre 2004, n°02-21336 (rejet d’une demande de communication sous astreinte à produire un rapport d’expert contre l’assureur DO à titre de sanction)
- Cass., Civ. 3ème, 12 janvier 2005, n°03-18989 (censurant une Cour d’appel qui avait, à titre de sanction, refusé à l’assureur DO la possibilité d’opposer la franchise et le plafond de garantie pour des préjudices immatériels garantis)
- Cass., Civ. 3ème, 7 mars 2007, n°05-20485 (rejet de la demande dirigée contre l’assureur DO au titre d’un préjudice locatif)
- Cass., Civ. 3ème, 19 janvier 2017, n°15-26441 (censurant une Cour d’appel qui avait appliqué le doublement des intérêts au taux légal sur les préjudices immatériels).
Ainsi, le non-respect des délais prévus par l’article L. 242-1 du code des assurances ne peut entraîner d’autre sanction que celles prévues par ce texte (C.Cass., Civ. 3ème, 28 Janvier 2021, n° 19-17499), ce que la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a l’occasion de confirmer par son arrêt du 19 Janvier 2022 (C.Cass., Civ. 3ème, 19 janvier 2022, n°20-17697 et n° 20-17758).
Les données factuelles et procédurales sont les suivantes.
La société Les Demeures de Brindos, aux droits de laquelle vient la société Belin promotion, qui a souscrit une assurance dommages-ouvrage auprès de la MAF, a entrepris, en qualité de maître de l’ouvrage, la réalisation d’un groupe d’immeubles composé de bâtiments collectifs et de villas.
Sont intervenus à l’opération de construction :
- le groupement conjoint et solidaire constitué des sociétés LA architecture, aux droits de laquelle vient la société Kimu architecture, assurée auprès de la MAF, et Ingecobat, assurée auprès de la société Covea Risks, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA, au titre de la maîtrise d’œuvre ;
- la société EPCA, désormais radiée du registre du commerce et des sociétés, assurée auprès des sociétés MMA, au titre du lot gros œuvre ;
- la société Qualiconsult, en qualité de contrôleur technique.
Imputant à l’entreprise de gros œuvre des erreurs d’implantation des immeubles les privant de tout accès et des défauts affectant les fondations d’un bâtiment, le maître de l’ouvrage a résilié le contrat de celle-ci et a sollicité une mesure d’expertise, qui a ensuite été rendue commune aux locateurs d’ouvrage et à leurs assureurs.
La société Les Demeures de Brindos a assigné, après expertise, l’ensemble des intervenants en réparation de ses préjudices.
Par un arrêt en date du 20 Mai 2020, la Cour d’appel de PAU a notamment condamné la MAF, en sa qualité d’assureur dommages-ouvrage, à payer au maître de l’ouvrage une somme au titre des préjudices immatériels, au motif que le refus fautif par l’assureur de la prise en charge de désordres de nature décennale a participé à l’allongement de la durée d’exécution des travaux et a causé à la société Les Demeures de Brindos un préjudice financier.
La MAF a formé un pourvoi.
Sous le visa de l’article L. 242-1 du code des assurances, la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation
- rappelle qu’il est jugé que ce texte, qui oblige l’assureur dommages-ouvrage à présenter une offre d’indemnité destinée au paiement des travaux de réparation des dommages dans un délai déterminé, fixe limitativement les sanctions applicables au manquement de l’assureur à ces obligations (Cass., Civ. 3ème, 17 Novembre 2004, n° 02-21336).
- énonce que l’article L. 242-1 du code des assurances fixe limitativement les sanctions applicables aux manquements de l’assureur dommages-ouvrage à ses obligations, lequel ne peut être condamné, en raison de son refus de prendre en charge les travaux de reprise des désordres affectant l’ouvrage, à supporter le préjudice immatériel subi par le maître d’ouvrage
- reproche donc à la Cour d’appel d’avoir violé l’article L. 241-1 du Code des assurances.
La Cour de cassation confirme ainsi sa jurisprudence.