Compétence du Juge administratif en cas de recours d’un tiers contre un SPIC pour désordres de travaux publics (C.Cass., Civ. 1ère, 13 Mars 2019, pourvoi n°18-13232, JurisData n° 2019-003688)

La présence d’un Service Public Industriel et Commercial (SPIC) doit attirer la vigilance concernant la question de la compétence juridictionnelle au moment de l’engagement d’une action contentieuse.

Si le SPIC oriente naturellement vers le Juge judiciaire, le Juge administratif reste compétent dans plusieurs hypothèses.

Le requérant devra donc veiller à identifier préalablement :

  • Sa qualité d’usager ou de tiers
  • La présence d’un ouvrage public ou la mise en œuvre de prérogatives exorbitantes de puissance publique.

Le Tribunal des conflits a posé une règle de principe dans sa décision du 8 Octobre 2018 (décision n°4135) :

 

« Considérant que, eu égard aux rapports de droit privé nés du contrat qui lie le service public industriel et commercial de l’assainissement à ses usagers, les litiges relatifs aux rapports entre ce service et ses usagers relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire ; qu’ainsi, il n’appartient qu’à la juridiction judiciaire de connaître des litiges relatifs à la facturation et au recouvrement de la redevance due par les usagers, aux dommages causés à ces derniers à l’occasion de la fourniture du service, peu important que la cause des dommages réside dans un vice de conception, l’exécution de travaux publics ou l’entretien d’ouvrages publics, ou encore à un refus d’autorisation de raccordement au réseau public ; qu’en revanche, un litige né du refus de réaliser ou de financer des travaux de raccordement au réseau public de collecte, lesquels présentent le caractère de travaux publics, relève de la compétence de la juridiction administrative »

Dans son arrêt du 13 Mars 2019, la Cour de cassation suit la même règle.

En l’espèce, un maître d’ouvrage se plaint de la survenance d’infiltration dans son immeuble.

Un rapport d’expertise judiciaire démontre que ces infiltrations proviennent d’un ouvrage appartenant à un Office Public HLM.

Le maître d’ouvrage victime saisit le Juge judiciaire d’une demande d’indemnisation.

L’Office public réplique en soulevant la compétence du Juge administratif.

La Cour d’appel de DOUAI, dans un arrêt en date du 25 Janvier 2018, rejette l’exception d’incompétence au motif que :

  • l’humidité présente au domicile du maître d’ouvrage trouve son origine dans un défaut d’étanchéité de la toiture de l’immeuble appartenant à l’Office public
  • l’OPH n’a pas été assigné en raison de l’exercice d’une prérogative de puissance publique ou en raison de l’exécution de travaux publics, mais en sa seule qualité de propriétaire d’un immeuble dépendant de son domaine privé.

La Cour de cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel de DOUAI sous le visa de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III, avec l’attendu de principe suivant :

« Attendu que, si l’action en responsabilité extra-contractuelle en réparation des dommages causés à un tiers par le fonctionnement d’un service public industriel et commercial relève, en principe, de la compétence de la juridiction judiciaire, il en va autrement lorsque les dommages allégués trouvent leur cause dans l’exécution de travaux publics ou dans l’existence ou le fonctionnement d’un ouvrage public »

 

La Cour de cassation reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir vérifié si l’ouvrage à l’origine du dommage subi par le tiers voisin, devait recevoir la qualification d’ouvrage public :

« Qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure que l’ouvrage dont l’OPH est propriétaire soit affecté au service public du logement et revête, par suite, le caractère d’ouvrage public, de sorte que la juridiction administrative serait seule compétente pour connaître de l’action tendant à la réparation des dommages causés aux tiers par cet ouvrage, la cour d’appel a violé les textes susvisés »

Dès lors, en présence d’un SPIC, il convient de retenir que :

  • si la victime a la qualité d’usager, le Juge judiciaire sera compétent, même en présence d’un ouvrage public ou de prérogatives de puissance publique
  • si la victime a la qualité de tiers (par exemple : un voisin), le Juge judiciaire sera compétent, sauf si le dommage provient d’ouvrage public ou de son fonctionnement.

Si ces questions peuvent être occultées le temps de l’expertise judiciaire, elles seront incontournables au moment de l’engagement d’une action contentieuse au fond.

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