La subrogation est un mécanisme important en droit des assurances et l’arrêt prononcé le 25 Janvier 2024 par la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation (C.Cass., Civ. 2ème, 25 Janvier 2024, n°22-16053) permet d’en rappeler l’importance et la portée.
La subrogation est soit conventionnelle, soit légale.
L’alinéa 1er de l’article L. 121-12 du Code des assurances qui énonce :
« L’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur »
Cette subrogation place l’assureur dans les droits de la victime, à hauteur de la somme versée, et permet à l’assureur d’exercer les droits et les recours dont la victime pouvait bénéficier.
L’assureur peut préserver ses recours par le biais de la subrogation in futurum, la subrogation s’effectuant alors par anticipation (C.Cass., Civ. 3ème, 29 Mars 2000, 98-19505 ). L’élément clef réside dans le paiement, étant précisé que le celui-ci peut intervenir, pour régulariser la demande de l’assureur, même en cause d’appel (C.Cass., Civ. 3ème, 15 Novembre 1989, n° 88-10441). Il suffit que l’assureur indemnise la victime avant que le Juge ne statue, pour que son assignation ait valablement interrompu la prescription (C.Cass., Civ. 3ème, 01/10/2020, n° 19-19305).
Reste à déterminer l’étendue de la subrogation et si celle-ci se limite à l’indemnité versée ou si elle s’étend aux sommes prises en charge directement.
L’intervention de l’assureur ne résume pas à l’indemnisation des travaux réparatoires, diminuées de la vétusté contractuellement prévue. S’ajoutent fréquemment des frais de sécurisation, des frais de nettoyage, des frais d’investigation…
C’est alors tout l’intérêt de l’évaluation, soit entre Experts, soit autour de l’Expert judiciaire, de ces frais,
A plusieurs reprises, la Cour de cassation avait déjà pu rappeler que le paiement justifiant la subrogation peut intervenir entre les mains de l’assuré mais aussi entre les mains d’un tiers :
Par son arrêt du 25 Janvier 2024 la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation a l’occasion de confirmer sa jurisprudence.
Sur le plan factuel et procédural, il convient de retenir que
- [V] et Mme [S] ont souscrit, le 23 octobre 2009, auprès de la société Allianz IARD un contrat d’assurance habitation comprenant la garantie « incendie », pour la maison d’habitation dont ils sont propriétaires.
- Un technicien d’ENEDIS est intervenu, le 13 février 2014, pour augmenter la puissance de l’installation électrique équipant cette maison, et, le jour même, un incendie s’est déclaré en partie basse de la toiture, qui a endommagé la majeure partie de l’étage.
- Après avoir indemnisé M. [V] et Mme [S], l’assureur, se prévalant d’une subrogation dans les droits des assurés, a assigné la société Enedis afin d’obtenir le remboursement de la somme totale de 186 367 €.
Par un arrêt en date du 9 Février 2022, la Cour d’appel de RENNES a limité cette demande à hauteur de 103 946 €, se basant sur les factures produites par l’assureur, correspondant aux seules sommes employées par les maîtres d’ouvrage à la reconstruction de leur immeuble.
L’assureur ALLIANZ a formé un pourvoi.
Sous le visa de l’article L. 121-12, alinéa 1er du Code des assurances , la 2ème Chambre civile rappelle qu’aux termes de ce texte, l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur.
Puis elle reprend les conditions du contrat d’assurance ayant permis d’accueillir le recours subrogatoire de l’assureur, retenant que « les conditions générales et particulières du contrat d’assurance prévoient la garantie incendie et la prise en charge des dommages aux biens sur l’habitation, à concurrence des dommages, ainsi que des frais complémentaires, constitués des frais de déblais, de la perte d’usage, des frais de remise en état des lieux en conformité avec la réglementation et de la cotisation de l’assurance dommages-ouvrage« .
Elle relève ensuite
- qu’un procès-verbal de constatations, signé par les experts des différentes parties intéressées, a fixé le montant des dommages aux sommes de 193 499 euros, en valeur de reconstruction à neuf, et de 159 859 euros, vétusté déduite, et a détaillé, poste par poste, les dommages aux biens et les frais complémentaires
- qu’aux termes de la quittance subrogative signée des assurés le 6 juin 2016, pour un montant de 186 367 euros, l’assureur justifie du paiement, d’une part, aux assurés directement, au titre des dommages aux biens, d’une indemnité immédiate de 125 714,50 euros, d’une indemnité différée de 47 211 euros et d’une indemnité de 542 euros correspondant au différentiel d’impôts locaux, d’autre part, à des tiers sur délégation des assurés, des sommes de 564 euros et 654,50 euros, pour la recherche d’amiante et les frais de nettoyage, et de 11 681 euros, pour l’expert mandaté par les assurés.
Au titre du sinistre incendie survenu, l’assureur avait donc pris en charge directement et indirectement une somme totale de 186 367 €.
La 2ème Chambre civile censure l’arrêt de la Cour d’appel de RENNES
- qui avait limité le recours subrogatoire de l’assureur à hauteur de 103 946 € TTC, soit les seules sommes effectivement employées par les maîtres de l’ouvrage à la reconstruction de leur immeuble
- lui reprochant d’avoir ajouté une condition non prévue à l’article L. 121-12 du Code des assurances.
Par rapport à l’arrêt du 31 Mars 2022, la 2ème Chambre civile ne reprend pas l’exigence d’un paiement « au titre de l’indemnisation d’assurance, sur ordre et pour le compte de l’assuré« . La condition essentielle d’une créance détenue par la victime contre le responsable reste constante.