Un arrêt récent de la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation (C. Cass., Civ. 3ème, 29 Mars 2018, pourvoi n° 17-15042) vient rappeler la nécessité de faire preuve de précision lors de la délivrance de l’assignation, qu’il s’agisse d’une action en référé, ou d’une action au fond, pour bien interrompre les délais, pour ainsi garantir un recours efficace et solvable.
Il est fréquent que plusieurs locateurs d’ouvrage soient assurés auprès du même assureur, comme il sera tout aussi courant que l’assureur Dommages – Ouvrages soit également l’assureur décennal du constructeur non réalisateur.
En cas de désordres devant donner lieu à une expertise judiciaire, sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, et/ou d’une action directe contre l’assureur du responsable identifié, le Maître d’ouvrage devra lui faire délivrer une assignation en visant précisément :
- Le numéro de police du contrat (figurant sur l’attestation d’assurance qu’il convient systématiquement de réclamer)
- La qualité de cet assureur.
Dans l’arrêt ici commenté, des maîtres d’ouvrage avait fait réaliser une maison d’habitation par un constructeur de maison individuelle. Celui-ci était assuré auprès de la Société AGF (ALLIANZ) au titre de sa responsabilité décennale. La Société ALLIANZ était également l’assureur dommages-ouvrage. Des désordres surviennent et une expertise judiciaire est ordonnée, contre le constructeur et la Société ALLIANZ.
Néanmoins, les maîtres d’ouvrage n’avaient assigné la société AGF que sous le numéro commun des polices d’assurances, « en sa qualité d’assureur dommages-ouvrage sans faire référence à sa qualité d’assureur de la responsabilité décennale des constructeurs« .
La procédure part au fond et les maîtres d’ouvrage forment une demande contre la Société ALLIANZ, prise en sa qualité d’assureur décennal du constructeur. La Cour d’appel de RENNES estime cette action prescrite, selon une motivation validée par la Cour de cassation :
« Mais attendu qu’ayant relevé que M. et Mme X… avaient assigné la société AGF sous le numéro commun des polices d’assurances en sa qualité d’assureur dommages-ouvrage sans faire référence à sa qualité d’assureur de la responsabilité décennale des constructeurs et, procédant à la recherche prétendument omise, que les contrats souscrits, bien que référencés sous le même numéro, étaient distincts par leur objet, la garantie dommages-ouvrage n’étant pas reprise à la police constructeur de maisons individuelles, nonobstant le dernier alinéa de son intitulé qui ne faisait qu’énoncer une possibilité, la cour d’appel, qui en a exactement déduit que, l’assignation de l’assureur en sa seule qualité d’assureur dommages-ouvrage n’ayant pas interrompu le délai de prescription de l’action engagée pour le même ouvrage contre la même société, prise en sa qualité d’assureur de responsabilité civile décennale, cette action était prescrite, a légalement justifié sa décision »
L’exigence de précision est donc déterminante pour interrompre valablement les délais et bien identifier ensuite le fondement de son action.
Cet arrêt vient confirmer une décision similaire de la même Chambre en date du 4 Novembre 2010 (C. Cass., Civ. 3ème, 4 Novembre 2010, pourvoi n° 09-66977).
En interrompant le délai de prescription biennal contre l’assureur Dommages-ouvrage, le maître d’ouvrage n’interrompt pas pour autant le délai d’épreuve décennal, au risque de subir un découvert de garantie.
Toutes les qualités de l’assureur visé doivent donc être visées dès le début de la procédure.