Le système français est marqué par la dualité juridictionnelle, avec deux ordres régis respectivement par la Cour de cassation et le Conseil d’état.
Il convient donc de ne pas s’égarer au moment d’introduire une action contentieuse, sous peine de se heurter à une décision d’incompétence de la Juridiction choisie à tort, entraînant, a minima, un retard supplémentaire dans des procédures parfois bien longues. Ceci est d’autant plus regrettable en matière d’indemnisation des victimes de fautes médicales.
L’arrêt ici commenté, de la 1ère Chambre civile de la Cour de la Cour de cassation, publié au Bulletin, rappelle que l’action directe engagée par la victime, contre l’assureur d’un établissement public de santé, relève exclusivement de l’ordre administratif, et donc de la jurisprudence du Conseil d’état, si le contrat d’assurance est un contrat de droit public.
En l’espèce, ayant été victime de dommages suite à des soins reçus le 13 Février 2002 dans un centre hospitalier public, la demanderesse avait assigné l’assureur de celui-ci, soit en l’occurrence la Société hospitalière d’assurances mutuelles (la SHAM), société de droit privé, devant l’ordre judiciaire.
L’affaire arrive en appel et la Cour d’appel de LYON, par un arrêt en date du 23 Novembre 2017, décline sa compétence au motif que le contrat d’assurance liant la SHAM à son assuré, le centre hospitalier, est un contrat de droit public au sens de l’article 2 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001.
A l’appui de son pourvoi, la demanderesse invoque la qualité de personne de droit privé de l’assureur pour tenter de justifier de la compétence de la juridiction judiciaire.
Le pourvoi est cependant rejeté et l’arrêt de la Cour d’appel approuvé. La Cour de cassation souligne que « la détermination de l’ordre de juridiction compétent […] dépend du caractère administratif ou de droit privé de ce contrat » avant de reprendre à son compte le constat de la Cour d’appel selon laquelle le contrat en question est un contrat de droit public.
La victime doit donc retourner devant le Tribunal administratif pour solliciter la condamnation de la SHAM, ès qualité d’assureur du centre hospitalier fautif.
Elle sera alors soumise aux règles de la procédure administrative mais aussi, et surtout, supportera le risque d’une indemnisation traditionnellement moins généreuse que devant l’ordre judiciaire.
Dans la présente espèce, en saisissant l’ordre judiciaire, la victime pouvait espérer une indemnisation plus importante que devant l’ordre administratif. Sa stratégie n’était pas dénuée de pertinence dans l’absolu. Mais elle a cependant omis de prendre en compte la dualité juridictionnelle française.
La solution ici rappelée est une confirmation d’une jurisprudence désormais bien établie. La Cour de cassation avait déjà statué en ce sens et adopte une position identique en présence de l’assureur d’un locateur d’ouvrage titulaire d’un marché public (C.Cass., Civ. 1ère, 9 Juin 2010, pourvoi n° 09-13026).
Le Conseil d’état adopte une position similaire (en ce sens : CE, Avis, 31 mars 2010, n° 333627), comme le Tribunal des conflits (en ce sens : arrêt en date du 15 Avril 2013, n° C3892).
En conséquence, avant d’envisager une action directe contre un assureur, il est préférable de bien s’interroger sur la nature du contrat liant celui-ci à son assuré fautif.