La faute dolosive du constructeur obéit à un régime juridique distinct de celui de la responsabilité décennale ou de la théorie des vices intermédiaires.
L’un de ses intérêts réside dans la possibilité d’agir contre un constructeur au-delà de l’expiration du délai de forclusion décennale.
Néanmoins, la faute dolosive reste difficile à caractériser et impose de préparer cette question dès le stade des opérations d’expertise judiciaire.
L’arrêt de la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation du 8 Juillet 2021 (C.Cass., Civ. 3ème, 8 Juillet 2021, n° 19-23879) vient rappeler la difficulté pour la caractériser.
Une simple négligence, même fautive, n’est pas suffisante pour caractériser la faute dolosive.
Par contre, il n’est pas nécessaire de rapporter la preuve d’une intention de nuire, ce qui la distingue de la faute intentionnelle (qui implique la preuve de la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu (C.Cass., Civ. 2ème, 16 Janvier 2020, n° 18-18909).
Par un arrêt en date du 12 Juillet 2018 (C.Cass., Civ. 3ème, 12 Juillet 2018, n°17-19701), la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a pu censurer une Cour d’appel aux motifs qu’il n’était pas établi que le constructeur aurait violé ses obligations contractuelles par dissimulation ou par fraude et, partant, commis une faute dolosive.
Par un arrêt du même jour et de la même chambre, la Cour de cassation a rappelé que l’action fondée sur la faute dolosive « s’analysait en une action contractuelle et que, attachée à l’immeuble, elle était transmissible aux acquéreurs successifs » (C.Cass., Civ. 3ème, 12 Juillet 2018, n°17-20627).
Par son arrêt du 5 Décembre 2019 (C.Cass., Civ. 3ème, 5 Décembre 2019, n°18-19476), la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a rappelé l’exigence d’une certaine gravité pour la qualification de la faute dolosive, censurant une Cour d’appel qui avait estimé que retenu que le non-respect des règles du DTU suffit à caractériser la faute dolosive de l’entreprise.
Dans cet arrêt (non publié) du 8 Juillet 2021, les données factuelles sont les suivantes :
- par acte du 4 février 2013, la SCI Matavai Lodge a vendu à Mme [Z] un bungalow qu’elle avait fait construire en 2000.
- Après son entrée en jouissance, Mme [Z] a constaté des infiltrations par la toiture. Elle a assigné la SCI en réparation de son préjudice.
Par un arrêt en date du 11 Juillet 2019, la Cour d’appel de PAPEETE a retenu une faute dolosive de la SCI, de nature à engager sa responsabilité contractuelle, aux motifs que
- dès la construction, réalisée sous la direction de la SCI, dont les associés étaient des professionnels du bâtiment, les documents techniques unifiés applicables n’ont pas été respectés
- la SCI, qui était chargée de l’entretien de l’ouvrage, ne pouvait ignorer les infiltrations qui affectaient tant la maison vendue que d’autres qu’elle avait fait construire en même temps
- qu’en s’abstenant d’en informer l’acquéreur elle avait manqué à ses obligations contractuelles, en particulier à son devoir de loyauté.
La SCI a formé un pourvoi, soutenant que n’était pas caractérisée sa volonté délibérée et consciente de de méconnaître la norme par dissimulation ou fraude.
Sous le visa de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, la Cour de cassation
- rappelle qu’il résulte de ce texte que le constructeur, nonobstant la forclusion décennale, est, sauf faute extérieure au contrat, contractuellement tenu à l’égard du maître de l’ouvrage de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré même sans intention de nuire, il viole par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles.
- estime que les motifs retenus par la Cour d’appel sont impropres à caractériser une volonté délibérée et consciente de la SCI de méconnaître ses obligations par dissimulation ou fraude
- censure l’arrêt d’appel sur cette question.
Devant la Cour de renvoi, se posera donc de nouveau le débat de la preuve de la volonté délibérée et consciente de la SCI de méconnaître ses obligations.
Cette décision s’inscrit dans la continuité de l’arrêt du 5 Décembre 2019 (C.Cass., Civ. 3ème, 5 Décembre 2019, n°18-19476). Il sera donc important de rechercher si, dès la réalisation du chantier, des indices ou des échanges pouvaient laisser permettre de croire raisonnablement en la connaissance du constructeur quant aux désordres ultérieurement dénoncés.
De son côté, le Juge administratif adopte une approche relativement similaire, ayant déjà pu considérer qu’aucune faute dolosive n’était caractérisée concernant l’utilisation d’une colle inadaptée et non conforme au marché (CE, 28 Juin 2019, pourvoi n° 416735).