En matière de responsabilité médicale, il est important de vérifier le statut du professionnel de santé au sein de l’établissement de santé au sein duquel il exerce, selon qu’il exerce à titre libéral car il convient de distinguer entre celui qui exerce à titre libéral, de celui qui exerce à titre salarié.
Le praticien libéral demeure responsable de ses fautes personnelles, tandis que le praticien salarié bénéfice d’une immunité, seul l’établissement de santé étant responsable. Ainsi, il en résulte que :
- la jurisprudence opère une distinction selon le statut du professionnel de l’auteur du dommage ( 1ère, 9 Novembre 2004, pourvoi n° 01-17908 ; dans le même sens : Civ. 1ère, 12 Juillet 2007, pourvoi n° 06-12624)
- Si le praticien exerce à titre libéral au sein de l’établissement, seule sa responsabilité peut être engagée ( 1ère, 26 Mai 1999, pourvoi n° 97-15608 ; Civ. 1ère, 20 Janvier 2011, pourvoi n°09-68042).
- l’établissement de santé dispose, le cas échéant, d’une action récursoire contre son praticien exerçant à titre libéral ( 1ère, 20 Janvier 2011, pourvoi n° 09-68042) pour les fautes lui étant imputables
La question a toute son importance puisqu’elle permet à l’établissement de santé de s’exonérer de responsabilité s’il démontre que les préjudices de la victime sont strictement liés à une faute commise par le praticien libéral.
Cependant, la prudence est de rigueur car sa responsabilité peut aussi être recherchée par la victime soit pour une faute commise par le personnel salarié, soit pour un défaut dans l’organisation du service, comme c’est le cas dans l’arrêt du 25 Novembre 2020 (C.Cass., Civ. 1ère, 25 Novembre 2020, n°19-20748).
En l’espèce, sur le plan factuel, il convient de retenir que
- à la suite de la réalisation, le 19 avril 2006, lors d’un accouchement, d’une rachi-anesthésie au centre médico-chirurgical de Parly II, exploité par la société Hôpital privé Parly II (l’hôpital privé), Mme O… a présenté des complications neurologiques.
- Par acte du 25 juin 2014, après avoir sollicité une expertise médicale en référé, celle-ci et son époux, T… O… , agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs R…, B… et H…, ont assigné en responsabilité et indemnisation l’hôpital privé et M. I…, médecin anesthésiste remplaçant ayant pratiqué la rachi-anesthésie
- L’hôpital privé a appelé en garantie M. K…, médecin anesthésiste titulaire.
- Devenus majeurs, MM. R… et B… O… ont repris l’instance en leur nom personnel. T… O… étant décédé, Mme O… , agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de H…, et MM. R… et B… O… ont repris l’instance en qualité d’ayants droit de leur époux et père.
- La responsabilité de M. I… a été retenue au titre d’une faute médicale lors de la réalisation de la rachi-anesthésie et celle de M. K… a été écartée
Par un arrêt en date du 6 Juin 2019, la Cour d’appel de VERSAILLES a retenu la responsabilité de l’hôpital privé, in solidum avec M. I…, à hauteur de 80 % des préjudices subis par les consorts O., aux motifs que :
- I…, praticien hospitalier, n’avait pas souscrit d’assurance garantissant sa responsabilité civile alors qu’il était attesté par l’hôpital privé qu’il y exerçait son activité comme médecin remplaçant à titre libéral
- l’établissement avait connaissance des interventions ponctuelles de ce médecin
- il devait s’assurer qu’il disposait des qualifications professionnelles et assurances requises et pouvait être agréé
- la défaillance de l’hôpital privé était avérée.
L’hôpital privé a formé un pourvoi, invoquant une absence de faute et une absence de lien de causalité.
La 1ère Chambre civile de la Cour de cassation rejette cependant ce pourvoi en rappelant liminairement que
- Selon l’article L. 1142-1, I, du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute.
- En application de l’article L. 1142-2 du même code, les professionnels de santé exerçant à titre libéral sont tenus de souscrire une assurance destinée à les garantir pour leur responsabilité civile ou administrative susceptible d’être engagée en raison de dommages subis par des tiers et résultant d’atteintes à la personne, survenant dans le cadre de l’ensemble de cette activité.
- Il incombe à l’établissement de santé de s’assurer qu’un médecin exerçant à titre libéral en son sein a souscrit une telle assurance et dispose de la qualification et la compétence requises et de veiller à la continuité des soins.
Avant d’approuver la Cour d’appel d’avoir pu déduire « l’existence d’un défaut d’organisation ayant contribué à la survenance des dommages subis par Mme O… et justifiant une réparation au titre d’une perte de chance d’être prise en charge par un autre anesthésiste, dont elle a souverainement évalué le montant« .
Déjà, antérieurement, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation a retenu la responsabilité d’une clinique pour manquement à ses obligations à l’égard de sa patiente, en laissant un médecin ayant une formation de chirurgien gynécologue, à orientation carcinologue, pratiquer des opérations relevant de la chirurgie esthétique, sans vérifier s’il disposait des compétences requises en ce domaine (C.Cass., Civ 1ère, 11 Juin 2009, n° 08-10642).