Le débat sur la notion d’ouvrage ou non pour l’installation de certains éléments d’équipement ne doit pas faire perdre de vue la nécessité de contester ou défendre, le cas échéant, la notion d’impropriété à destination.
La notion d’élément d’équipement a marqué la jurisprudence depuis les décisions critiquées de 2017 de la Cour de cassation.
Initialement, seuls relevaient de la responsabilité décennale :
- Les travaux constitutifs d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil : « tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination«
- Les dommages qui affectent la solidité des éléments d’équipement d’un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert (article 1792-2 du Code civil)
- Le fabricant d’un EPERS au sens de l’article 1792-4 du Code civil
La Cour de cassation a étendu le champ de la responsabilité décennale en y intégrant la simple adjonction, sans intégration, d’un élément d’équipement sur un ouvrage existant, engendrant un dommage de nature à rendre l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (Civ. 3ème, 15 Juin 2017, pourvoi n° 16-19640, Civ. 3ème, 14 Septembre 2017, pourvoi n° 16-17323 et encore C.Cass., Civ. 3ème, 7 Mars 2019, pourvoi n° 18-11741). L’accent est mis sur l’impropriété à destination, laissant de côté les caractéristiques de l’équipement.
La Cour de cassation a malgré tout eu l’occasion de refaire une appréciation plus classique de la notion d’éléments d’équipement, lorsque ceux-ci sont mis en œuvre dans le cadre de travaux neufs, au travers de cet arrêt du 7 Novembre 2019 (C.Cass., Civ. 3ème, 7 novembre 2019, n°18-18318), reprochant à une Cour d’appel ne pas avoir recherché, comme il le lui était demandé, si les désordres affectant l’installation de ventilation ne rendaient pas l’ouvrage, dans son ensemble, impropre à sa destination.
Par son arrêt du 5 Mars 2020 (C.Cass., Civ. 3ème, 5 Mars 2020, n° 19-11879, non publié), la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a l’occasion de revenir sur la notion d’impropriété à destination.
Sur le plan factuel, il convient de retenir que
- la société Espace Europ a confié à la société Mate, assurée en responsabilité civile décennale auprès de la société Aviva assurances, la fourniture et l’installation d’une pompe à chaleur destinée à la climatisation et au chauffage de ses bureaux.
- Se plaignant de dysfonctionnements survenus dès la mise en route de l’installation, la société Espace Europ a, après expertise, assigné la société Mate en résolution de la vente et en dommages-intérêts.
- La société Mate a assigné en garantie la société Aviva
Par son arrêt du 20 novembre 2018, la Cour d’appel de POITIERS a rejeté l’appel en garantie dirigé contre la Société AVIA.
A l’appui de son pourvoi, la Société MATE a reproché à la Cour d’appel d’avoir écarté l’impropriété à destination, alors pourtant qu’elle avait constaté « qu’en raison du dysfonctionnement du système de climatisation-chauffage, les occupants de l’immeuble sont soumis à des variations brusques et importantes de température, à des brassages d’air important et à des arrêts de chauffage l’hiver entrainant leur mal être permanent« .
La Cour de cassation va rejeter le pourvoi
- Rappelant que la Cour d’appel n’était pas liée par les constatations et les conclusions de l’Expert judiciaire
- Estimant que la Cour d’appel a « souverainement retenu que les dysfonctionnements affectant le système de chauffage et de climatisation étaient à l’origine d’un inconfort qui n’entraînait pas une impossibilité de travailler dans l’immeuble de sorte que les désordres n’étaient pas de nature décennale«
Il est donc important de surveiller cette notion d’impropriété à destination dès le stade de l’expertise et tout au long de la procédure.