Les biens des personnes publiques bénéficient d’une immunité contre l’exécution forcée par huissier, en vertu du 3ème alinéa de l’article L. 111-1 du Code des procédures civiles d’exécution (« L’exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d’une immunité d’exécution« ).
L’Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que les établissements publics bénéficient notamment de cette immunité, par application des dispositions combinées de l’article L.1 et de l’article L. 2311-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (CG3P).
Cette justification n’était pas sans poser des difficultés pour le justiciable qui pouvait être confronté à l’inertie de l’Administration : la condamnation prononcée était privée de toute efficacité.
Le Législateur est donc intervenu.
Des mesures spécifiques ont été introduites aux articles L. 911-1 du Code de justice administrative.
L’Administration peut cependant persister à contester par tous les moyens le règlement des condamnations prononcées, en invoquant par exemple la prescription quadriennale.
Le Conseil d’Etat vient cependant de prononcer une décision importante à ce sujet.
Les données de l’espèce sont simples.
Un justiciable a obtenu deux décisions du Conseil d’Etat en date respectivement du 23 Février 2019 et du 6 Mars 2019 :
- Annulant certaines dispositions de la note du 3 avril 2008, publiée au bulletin officiel de la direction générale des impôts, relative aux demandes de révision de la notation des agents des catégories A, B et C ainsi que du guide relatif à la révision de la notation des mêmes agents
- mis à la charge de l’Etat le versement à son profit d’une somme de 300 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
- annulant certaines dispositions de plusieurs instructions du directeur général des impôts relatives à l’évaluation et à la notation des agents,
- mis à la charge de l’Etat le versement à son profit d’une somme de 1 800 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
L’Administration a refusé de régler les sommes mises à sa charge :
- l’ordonnateur n’a pas procédé à l’ordonnancement des sommes dues à M. B… en exécution des décisions n° 316651 du 23 février 2009 et n°s 307474, 310351, 313666, 317763 du 6 mars 2009 du Conseil d’Etat statuant au contentieux
- que le comptable assignataire, saisi par M. B… d’une demande de paiement en application des dispositions du I de l’article 1er de la loi du 16 juillet 1980, a refusé d’y procéder.
Monsieur B. a donc de nouveau saisi le Conseil d’Etat par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés le 14 décembre 2018 et le 15 juillet 2019, lui demandant d’enjoindre à l’Etat de prendre les mesures qu’implique l’exécution de ces décisions, en tant qu’elles ont mis à la charge de l’Etat les sommes de 300 euros et de 1 800 euros à lui verser au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
L’Administration a opposé la prescription quadriennale de l’article 1er de la Loi du 31 Décembre 1968.
Le moyen va cependant être écarté par le Conseil d’Etat
- qui rappelle que l’article 7 de cette Loi précise que « (…) En aucun cas, la prescription ne peut être invoquée par l’administration pour s’opposer à l’exécution d’une décision passée en force de chose jugée«
- estimant qu’il résulte de ces dispositions que l’administration n’est pas fondée, pour justifier son refus de verser les sommes mises à sa charge par les décisions du Conseil d’Etat des 23 février et 6 mars 2009, à opposer l’exception de prescription quadriennale à la demande de M. B… tendant au paiement de ses créances.
Pour assurer ensuite l’effectivité de sa décision, le Conseil d’Etat, sur le fondement de l’article L. 911-9 du Code de justice administrative :
- ordonne au ministre de l’action et des comptes publics de procéder au paiement des sommes dues à M. B…, assorties des intérêts au taux légal, en exécution des décisions précitées dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision
- décide d’assortir cette prescription d’une astreinte de cinquante euros par jour de retard, jusqu’à la date à laquelle les décisions du 23 février et du 9 mars 2009 auront reçu exécution.
Cet arrêt rappelle l’importance de bien maîtriser les dispositions offertes par le Code de justice administrative pour assurer une exécution efficace des condamnations obtenues. De l’absence de prescription en découle un risque pour l’Administration de dérive financière si les intérêts perdurent dans le temps. Un moyen de pression supplémentaire pour le justiciable.