A l’instar des médecins ou des avocats, les chirurgiens – dentistes sont soumis à des obligations déontologique.
Tout patient estimant qu’un chirurgien – dentiste aurait manqué à une de ses obligations déontologiques peut déposer une plainte auprès de la chambre disciplinaire de première instance régional de l’ordre des chirurgiens-dentistes territorialement compétente.
Une procédure de conciliation est prévue à l’article L. 4123-2 du Code de la santé publique.
Cette procédure disciplinaire ne peut tendre qu’à dénoncer d’éventuels manquements du praticien, afin que celui-ci soit sanctionné le cas échéant, par les peines prévus à l’article L. 4124-6 du Code de la santé publique (blâme, avertissement, interdiction temporaire ou définitive d’exercer…).
L’action disciplinaire est indépendante de l’action pénale ou civile, même si des recoupements peuvent intervenir.
Elle ne doit pas pour autant être négligée au vu des répercussions potentiellement importantes qu’elle peut avoir sur l’exercice professionnel du praticien.
Les obligations déontologiques des Chirurgiens-dentistes sont définies aux articles R. 4127-201 et suivants du Code de la santé publique.
Y figurent notamment le devoir d’information.
Généralement, le devoir d’information est appréhendé sur le plan indemnitaire avec :
- La notion de perte de chance d’éviter la réalisation du risque (e. est-ce que correctement informé le patient aurait renoncé à l’opération au décours de laquelle le dommage s’est produit. Si le patient n’avait objectivement aucune chance de se soustraire à l’opération, le droit à indemnisation est réduit à néant : en ce sens : C.Cass., Civ. 1ère, 20 juin 2000, n°98-23046)
- Le préjudice d’impréparation (CE, 10 Octobre 2012, n° 350426 ; Cass., Civ. 1ère , 23 Janvier 2014, n° 12-22123).
L’arrêt du Conseil d’Etat du 12 Février 2020 (CE, 12/02/2020, n° 425722) vient en rappeler l’importance sur le plan déontologique également.
Sur le plan factuel, il convient de retenir que
- Mme C… B… a porté plainte contre Mme D… A… devant la chambre disciplinaire de première instance d’Auvergne de l’ordre des chirurgiens-dentistes.
- Par une décision du 27 avril 2017, la chambre disciplinaire de première instance a rejeté sa plainte.
- Par une décision du 10 juillet 2018, la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des chirurgiens-dentistes a rejeté l’appel formé par Mme B… contre cette décision.
- La plainte a formé un pourvoi.
A l’appui de sa plainte, Madame B… exposait que :
- Le Docteur A…, après avoir procédé à une obturation canalaire sur une dent cariée, lui a posé le 7 avril 2015 une couronne de type à incrustation vestibulaire
- si elle avait donné son accord de principe à la pose d’une couronne dentaire, elle n’avait pas consenti à la pose d’une couronne de type à incrustation vestibulaire, faute d’avoir été informée et consultée sur ce point par Mme A….
Pour rejeter sa plainte, la Chambre Disciplinaire Nationale a retenu que
- l’absence de consultation de la patiente sur le choix entre les types de couronne ne pouvait, dans les circonstances de l’espèce, être regardé comme fautif
- le coût pour la sécurité sociale d’un autre type de couronne aurait été identique dès lors que Mme B… était bénéficiaire de la couverture maladie universelle
- Mme B… est la présidente d’une association ayant pour objet d’aider les personnes défavorisées à s’appareiller en prothèses dentaires.
La décision est censurée par le Conseil d’Etat :
- se fondant sur l’article L. 1111-2, L. 1111-4 et R. 4127-236 du code de la santé publique
- rappelant que « hors les cas d’urgence ou d’impossibilité de consentir, la réalisation de soins dentaires ou d’un traitement auquel le patient n’a pas consenti constitue une faute disciplinaire«
- précisant que « la circonstance qu’un patient détienne des connaissances en la matière ne saurait dispenser le chirurgien-dentiste de satisfaire à son obligation de l’informer, par un entretien individuel, de manière loyale, claire et appropriée sur son état de santé et les soins et traitements qu’il propose«
- reprochant à la Chambre disciplinaire nationale d’avoir pris en compte la fonction de présidente d’une association ayant pour objet d’aider les personnes défavorisées à s’appareiller en prothèses dentaires alors que cette circonstance était inopérante.
L’affaire est renvoyée devant la Chambre disciplinaire nationale pour qu’il soit statuée au fond.
A noter, de telles compétences n’auraient pas non plus influer sur le régime de la perte de chance en cas d’action indemnitaire.
Il est donc utile de rappeler l’importance du devoir d’information pour le professionnel de santé, et de s’en ménager la preuve.