Le régime issu de la Loi du 5 Juillet 1985 (Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation) suppose l’implication d’un véhicule terrestre à moteur, ou ses remorques ou semi-remorques, en vertu de l’article 1er de cette Loi.
En cas de contact avec le véhicule, l’implication ne pose pas de difficultés dans son appréhension.
Il en va différemment lorsqu’il n’y a pas eu de choc avec le véhicule en question.
La Cour de cassation a étendu sa conception de l’implication du véhicule de sorte qu’aujourd’hui, il suffit que soit rapporté la preuve que le véhicule a concouru, ne serait-ce que partiellement au dommage. Autrement dit, les juridictions doivent s’interroger sur le point de savoir si les circonstances de l’accident auraient été identiques en l’absence de ce véhicule en question, et si la présence de celui-ci n’est que pur hasard.
La Cour de cassation a déjà pu estimer que :
- doit être considéré comme impliqué un véhicule A qui se rabat prématurément devant un véhicule B qui pour l’éviter, s’est trouvé contraint de changer de file brusquement, venant alors heurter un véhicule C (Cass., Civ. 2ème, 14 Janvier 2006, pourvoi n° 15-11108)
- un tracteur empiétant sur une voie de circulation lors d’une opération de fauchage peut être impliqué dans un accident (C.Cass., Civ.2ème, 18 Avril 2019, pourvoi n° 18-14948).
En retour, la Cour de cassation a pu écarter toute implication d’un véhicule de police dans le cadre d’une course-poursuite après une moto, celle-ci ayant fini par percuter un piéton (C.Cass., Crim., 28 Juin 2017, pourvoi n° 16-84196).
La Cour de cassation vient de prononcer un nouvel arrêt confirmant sa conception extensive de l’implication d’un véhicule, hors de tout contact.
En l’espèce, sur le plan factuel, il convient de retenir que :
- .. Y… a été victime, le […], d’un accident de la circulation des suites duquel il est décédé ;
- Mmes B… Y… et E… Y…, respectivement mère et sœur du défunt, soutenant que le tracteur conduit par M. A… X… et appartenant à M. F… X…, était impliqué dans l’accident, ont assigné ces derniers en réparation de leurs préjudices.
Par un arrêt en date du 20 Avril 2018, la Cour d’appel de SAINT DENIS DE LA REUNION a condamné in solidum le conducteur et le propriétaire du tracteur à verser à Mme B… Y… une somme de 20 000 euros et à Mme E… Y… une somme de 9 000 euros en réparation de leur préjudice d’affection.
Les défendeurs ont formé un pourvoi, faisant valoir que
- le procès-verbal établi par les services de gendarmerie à la suite de l’accident indiquait que celui-ci s’était produit quelques centaines de mètres après l’endroit où était immobilisé le tracteur
- il en résultait que la fuite d’huile ayant affecté le tracteur ne pouvait être à l’origine de l’accident
- en retenant que les affirmations selon lesquelles la présence d’huile provenant du véhicule des consorts X… était impossible, n’étaient étayées par aucune constatation matérielle, pour en déduire que les consorts X… contestaient vainement la présence d’huile sur le lieu où s’était produit l’accident et, « partant », l’implication de leur véhicule, sans rechercher à quelle distance de l’accident le tracteur se trouvait et si cette distance n’excluait pas le lien de causalité entre la fuite d’huile subie par le tracteur et l’accident, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985.
La Cour de cassation va rejeter le pourvoi en reprenant à son compte les motifs de la Cour d’appel :
- rappelant qu’est impliqué, au sens de l’article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, tout véhicule ayant joué un rôle quelconque dans la réalisation d’un accident
- l’approuvant d’avoir constaté que le véhicule de C… Y… avait dérapé sur la chaussée rendue glissante par la présence d’huile « répandue involontairement » par le tracteur conduit par M. A… X…,
- précisant que la cour d’appel n’avait pas à procéder à la recherche inopérante visée par le moyen,
- estimant que celle-ci avait déduit à bon droit que le tracteur était impliqué dans l’accident.
L’implication est caractérisée, ouvrant le droit à indemnisation.
Il faut relever au passage la qualité de l’enquête qui a permis de rassembler les éléments factuels nécessaires pour soutenir une telle implication.