En droit de la construction, la distinction entre l’assurance obligatoire et l’assurance facultative est un élément majeur. La première concerne l’assureur à la date des travaux (DOC en principe) et se trouve soumise aux clauses types, tandis que la seconde peut intéresser l’assureur à la date de la réclamation et permet notamment l’opposabilité de franchises ou encore d’exclusions parmi les préjudices garantis.
En application de l’article L. 241 et de l’Annexe n°II de l’article A. 243-1 du code des assurances, l’assureur à la date des travaux doit sa garantie pour toute condamnation au titre des travaux de reprise, sur le fondement décennal.
En outre, en vertu de l’annexe I à l’article A 243-1 du Code des assurances, l’assureur décennal doit garantir les dommages matériels liés aux travaux de réparation réalisés sur l’ouvrage affecté de désordres.
En effet il ressort des dispositions de cet article que « le contrat garantit le paiement des travaux de réparation de l’ouvrage à la réalisation duquel l’assuré a contribué ainsi que des ouvrages existants, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf et qui en deviennent techniquement indivisibles, au sens du II de l’article L. 243-1-1 du présent code, lorsque la responsabilité de l’assuré est engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil à propos de travaux de construction, et dans les limites de cette responsabilité« .
La distinction entre l’assureur RCD et l’assureur RC est importante car il pourra s’agir de deux entités différentes, en raison notamment d’une succession d’assureur dans le temps.
L’arrêt de la 3ème Chambre civile du 5 Décembre 2019 (C.Cass., Civ. 3ème, 5 Décembre 2019, n° 18-20181) donne l’occasion d’un rappel sur l’étendue des préjudices pouvant être pris en charge par l’assureur RCD.
Sur le plan factuel, Madame M… a acquis une villa destinée à la location touristique. Ayant constaté le pourrissement d’une partie du deck de la terrasse réalisé par la société Building services, Mme M. l’a assignée, avec son assureur, la société SMABTP, en indemnisation de ses préjudices.
Par un arrêt en date du 22 Mai 2018, la Cour d’appel de BASSE-TERRE a notamment condamné la SMABTP, ès qualité d’assureur décennal, in solidum avec son assurée, à payer une certaine somme au titre des pertes locatives, en retenant « qu’au titre de la garantie décennale, le constructeur est tenu de prendre en charge la réparation des dommages matériels et immatériels consécutifs aux désordres relevant de l’article 1792 du code civil et que, s’agissant d’une garantie légale, l’assureur décennal de la société Buiding services est tenu de garantie les dommages immatériels« .
Sous le visa des articles L. 241-1 et A. 243-1 du code des assurances, la Cour de cassation censure, indiquant « qu’en statuant ainsi, alors que l’assurance obligatoire de la responsabilité du constructeur, qui garantit le paiement des travaux de réparation de l’ouvrage à la réalisation duquel l’assuré a contribué, ne s’étend pas, sauf stipulations contraires, non invoquées en l’espèce, aux dommages immatériels, la cour d’appel a violé les textes susvisés« .
L’assureur décennal n’a donc vocation à prendre en charge, stricto sensu, que les seuls travaux nécessaires à la reprise des désordres, tout autre poste de préjudice ne pouvant intéresser, si elle a été souscrite et dans les limites du contrat, l’assurance responsabilité civile. Celle-ci pourra couvrir les préjudices immatériels (préjudice de jouissance par exemple) mais aussi d’autres préjudices matériels, distincts des travaux nécessaires à la reprise du désordre décennal, comme des frais de relogement ou des atteintes aux embellissements.
Ainsi, la Cour de cassation a pu estimer que « la construction de bâtiments provisoires ne pouvait être assimilée à des travaux de réparation réalisés sur l’ouvrage affecté de désordres lui-même » et donc écarter toute prise en charge par l’assureur décennal (C.Cass., Civ. 3ème, 13 Janvier 2010, pourvois n° 08-13562 et 08-13582).