La Cour de cassation a prononcé un arrêt le 12 Septembre 2019 voué à une large publication (FS.P + B + R + I), démontrant que le sujet abordé est d’importance, le symbole « R » signifiant que la décision sera analysée au travers du rapport annuel de la Cour de cassation.
Le sujet est d’actualité : il concerne la sous-location d’un logement, phénomène porté, notamment, par la Société « Air B’nB ».
A titre liminaire, il convient de préciser que l’arrêt ne concerne que la sous-location irrégulière, c’est-à-dire à laquelle le bailleur n’a pas donné son accord, tant sur le principe de la sous-location que le montant du sous-loyer, conformément aux dispositions de l’article 8 de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 :
« Le locataire ne peut ni céder le contrat de location, ni sous-louer le logement sauf avec l’accord écrit du bailleur, y compris sur le prix du loyer. Le prix du loyer au mètre carré de surface habitable des locaux sous-loués ne peut excéder celui payé par le locataire principal. Le locataire transmet au sous-locataire l’autorisation écrite du bailleur et la copie du bail en cours.
En cas de cessation du contrat principal, le sous-locataire ne peut se prévaloir d’aucun droit à l’encontre du bailleur ni d’aucun titre d’occupation.
Les autres dispositions de la présente loi ne sont pas applicables au contrat de sous-location »
Ainsi, il est acquis, sur le principe, que la sous-location non autorisée est irrégulière.
Le locataire s’expose à titre de sanction à la résiliation judiciaire de son bail, avec la démonstration par le bailleur d’une faute.
Surtout, au vu de l’ampleur financière prise par le phénomène de la sous-location, se pose la question du devenir des sous-loyers perçus.
La Cour d’appel de PARIS avait prononcé une décision intéressante en date du 5 Juin 2018 (RG n° n° 16/10684) :
- En estimant que « les loyers perçus par les appelants au titre de la sous-location sont des fruits civils de la propriété et appartiennent de facto au propriétaire«
- En condamnant le locataire à reverser au bailleur les fruits de la sous-location
La Cour d’appel de PARIS s’était donc fondée
- sur l’article 546 du Code civil :
« La propriété d’une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement.
Ce droit s’appelle « droit d’accession »
- Sur l’article 547 du même Code :
« Les fruits naturels ou industriels de la terre,
Les fruits civils,
Le croît des animaux, appartiennent au propriétaire par droit d’accession »
C’est cet arrêt, ayant fait l’objet d’un pourvoi, qui a été soumis à l’examen de la Cour de cassation (C.Cass., Civ. 3ème, 12 Septembre 2019, n°18-20727)
Pour contester la condamnation à restitution des loyers, les locataires ont soutenu :
- « que les sous-loyers perçus par un locataire au titre d’une sous-location ne constituent pas des fruits civils appartenant au bailleur par accession mais l’équivalent économique du droit de jouissance conféré au preneur, lequel est en droit de les percevoir et de les conserver, sauf à engager sa responsabilité envers le bailleur en cas de préjudice subi par celui-ci du fait de la méconnaissance d’une interdiction contractuelle de sous-location« , ce qui suppose alors pour le bailleur de rapporter la preuve d’une faute en lien avec un préjudice
- « qu’une sous-location irrégulièrement consentie est inopposable au propriétaire mais produit tous ses effets entre le locataire principal et le sous-locataire ; qu’en conséquence, seul le locataire est créancier des sous-loyers« .
Le pourvoi est cependant rejeté et le raisonnement de la Cour d’appel approuvé.
La Cour de cassation écarte le principe de l’effet relatif des contrats pour se placer sur le terrain des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire :
« Mais attendu que, sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire ; qu’ayant relevé que les locataires avaient sous-loué l’appartement pendant plusieurs années sans l’accord du bailleur, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, nonobstant l’inopposabilité de la sous-location au bailleur, que les sommes perçues à ce titre devaient lui être remboursées »
La sanction est donc redoutable et représente un risque financier non négligeable pour le locataire, qui sera bien avisé de recueillir l’accord de son bailleur afin d’envisager une sous-location. Bien mal acquis (juridiquement) ne profite jamais…