L’article 1386, devenu 1244 du Code civil, est une disposition rarement appliquée du Code civil, relative à la responsabilité du fait du bâtiment en ruine, énonçant que « le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu’elle est arrivée par une suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa construction« .
Ce régime de responsabilité est rarement envisagé car il s’avère plus avantageux de recourir à la responsabilité du fait des choses dont on a la garde, définie à l’article 1242 du Code civil : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde« .
La responsabilité du fait du bâtiment en ruine suppose en effet que le demandeur rapporte la preuve d’un état de ruine du bâtiment et que celle-ci soit liée à un défaut d’entretien ou à un vice de construction.
En retour, la responsabilité du fait des choses obéit à un régime de présomption de responsabilité supposant uniquement la preuve du rôle causal de la chose.
La victime a donc tout intérêt à privilégier le régime défini par l’article 1242 du Code civil.
Si la jurisprudence interdit en principe le cumul de fondement (C.Cass., Ch. Civile, 4 Août 1942), de nombreuses atténuations ont été apportées, à tel point que la disparition de l’article 1386 du Code civil a pu être envisagée :
- La victime peut agir parallèlement sur le fondement de l’article 1240 (responsabilité délictuelle) lorsqu’elle peut rapporter la preuve d’une faute : Cass., Civ. 2ème, 7 Mai 1969
- La victime peut agir contre le gardien de l’immeuble lorsque celui-ci est distinct du propriétaire : un cumul est donc possible (Cass., Civ. 2ème, 23 Mars 2000, pourvoi n° 97-19991)
- Lorsque les critères de la ruine du bâtiment ne sont pas réunies, la victime peut malgré tout agir sur le fondement sur le fondement de la responsabilité du fait des choses (Cass., Civ. 2ème, 16 Octore 2008, pourvoi n° 07-16967 : « Mais attendu que si l’article 1386 du code civil vise spécialement la ruine d’un bâtiment, les dommages qui n’ont pas été causés dans de telles circonstances peuvent néanmoins être réparés sur le fondement des dispositions de l’article 1384, alinéa 1er, du code civil qui édictent une présomption de responsabilité du fait des choses ; Qu’il résulte de l’arrêt que les dommages occasionnés au bâtiment de M. et Mme X… sont la conséquence du basculement de l’immeuble appartenant à M. et Mme Y… ; que la responsabilité de ces derniers est dès lors engagée en leur qualité de gardien de l’immeuble ; que par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, l’arrêt se trouve légalement justifié«
- Lorsqu’il n’est pas possible de rapporter la preuve d’une ruine, la victime peut malgré tout agir sur le fondement de la responsabilité du fait des choses (Cass., Civ. 2ème, 22 Octobre 2009, pourvoi n° 08-16766).
En l’espèce, dans l’arrêt du 29 Août 2019 (C.Cass., Civ. 2ème, 29 août 2019, pourvoi n° 17-31333), la Cour de cassation se contente de retenir que la victime a été blessée le 24 janvier 2009 à la suite de la chute d’une partie de la toiture d’un bâtiment appartenant à l’EARL Fardiel provoquée par une tempête, sans même caractériser une faute dans l’entretien du bâtiment ou un vice de celui-ci.
Surtout, cet arrêt doit être relevé pour l’application d’une réduction du droit à indemnisation de la victime en raison de sa faute dans la réalisation de ses préjudices.
Seule la caractérisation de la force majeure aurait pu permettre une exonération totale de responsabilité, ce qui suppose la preuve d’un évènement extérieur, irresistible et imprévisible.
La tempête reçoit très rarement la qualification de force majeure (par exemple, pour un rejet : C.Cass., Civ. 3ème, 8 Décembre 2004, pourvoi n° 03-15541).
En retour, la faute de la victime peut atténuer partiellement la responsabilité du propriétaire.
La jurisprudence recherche notamment si la victime pouvait avoir conscience du danger présenté par les lieux ou la situation.
Tel est le cas en l’espèce puisqu’il est retenu à l’encontre de la victime le fait d’être sorti sans motifs valables durant le pic d’un épisode de tempête, avec des vents supérieurs à 100 km/h.
Cette faute n’est pas sans conséquence puisque son droit à indemnisation est réduit d’un tiers.
La Cour d’appel de TOULOUSE est censurée pour avoir omis d’appliquer le coefficient de réduction d’un tiers sur les postes d’indemnisation des préjudices.
Elle est également censurée pour avoir alloué une indemnité une indemnité au titre de l’assistance tierce personne pour trois années pleines alors que la victime avait été hospitalisée à plusieurs reprises, de sorte qu’aucune assistance tierce personne ne pouvait être prise en compte durant les périodes d’hospitalisation.