Les syndicats de copropriétaires et les collectivités territoriales avaient ceux-ci de commun que leur représentant, Syndic pour les premiers, Maire ou Présidents pour les secondes, devaient être habilités pour ester en justice.
La règle a perdu de sa portée pour les syndicats de copropriétaires depuis le Décret n° 2019-650 du 27 Juin 2019, dont l’article 12 est venu modifier l’article 55 du Décret n° 67-223 du 17 Mars 1967, en insérant la phrase suivante : « Seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir de l’absence d’autorisation du syndic à agir en justice« .
Avant l’entrée en vigueur de ces dispositions, faute d’habilitation régulière, l’assignation délivrée se trouvait privée d’effet (C. Cass., Civ. 2ème, 15 Novembre 2018, pourvoi n° 17-50051), la Cour de cassation ayant précisé que chaque désordre dénoncé doit être visé dans l’habilitation initiale donnée au Syndic, et qu’en cas d’oubli, une régularisation n’est possible qu’à la condition qu’une résolution soit votée avant l’expiration du délai d’épreuve décennal (C.Cass, Civ. 3ème, 21 mars 2019, pourvoi n°17-28021).
Cette jurisprudence va être amenée à se tarir suite au décret du 27 Juin 2019.
Reste la situation des collectivités territoriales, et notamment, comme en l’espèce, les maires de Communes.
Leur capacité à représenter la Commune pour ester en justice par plusieurs dispositions du Code général des collectivités territoriales, en l’occurrence :
- L’article L. 2122-21, alinéa 8 :
« Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, le maire est chargé, d’une manière générale, d’exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier
(…)
De représenter la commune soit en demandant, soit en défendant »
- L’article L. 2132-1 : « Sous réserve des dispositions du 16° de l’article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune«
- L’article L. 2122-22 alinéa 16 :
» Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat :
(…)
16° D’intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal, et de transiger avec les tiers dans la limite de 1 000 € pour les communes de moins de 50 000 habitants et de 5 000 € pour les communes de 50 000 habitants et plus »
Le Maire, en tant qu’organe exécutif, est chargé de mettre en œuvre les décisions de l’organe délibérant, le Conseil municipal.
Reste à déterminer la portée d’une habilitation générale donnée au Maire pour la durée de son mandat.
Le Juge administratif et le Juge pénal divergent dans leur approche.
Le Juge administratif estime suffisant une habilitation générale donnée au Maire (en ce sens : CAA VERSAILLES, 4 Décembre 2008, n° 07VE01087).
En retour, le Juge pénal fait preuve d’une bien plus grande rigueur, en exigeant, pour une constitution de partie civile, une habilitation spéciale du Conseil municipal (en ce sens : C.Cass., Crim, 16 juin 2015, pourvoi n°14-83990).
Le Juge civil avait déjà grandement limité la portée de la question de l’habilitation, en retenant que la fin de non-recevoir pour défaut d’habilitation du Maire n’est édictée qu’au profit de la Commune de sorte que la partie adverse ne peut s’en prévaloir (C.Cass, Civ. 2ème, 26 Juin 2008, pourvoi n° 07-14996), outre que ce vice peut être régularisé en cours de procédure (C.Cass., Civ. 3ème, 11 janvier 1984, n°82-15909).
Par sa décision du 5 Septembre 2019, la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation penche en faveur de la solution dégagée par le Juge administratif (C.Cass., Civ. 2ème, 5 septembre 2019, pourvois n°18-10365 et n°18-19119), validant une délibération générale d’ester en justice donnée au Maire.
L’enjeu était important pour la Commune car celle-ci, avec le temps écoulé, n’était plus en mesure de régulariser la situation en raison de l’expiration de la prescription décennale.
La Cour de cassation retient ainsi que :
« Mais attendu qu’ayant constaté qu’était versée aux débats une délibération en date du 14 mars 2008, donnant délégation du conseil municipal au maire pour intenter, au nom de la commune, toutes les actions en justice ou défendre la commune dans toutes les actions intentées contre elle et ce, dans tous les domaines, portant mention des dates d’affichage et de transmission à la sous-préfecture le 20 mars 2008, ainsi que d’un tampon de réception à la sous-préfecture en date du 21 mars 2008, et retenu qu’il en résultait que le conseil municipal avait délégué au maire, pour la durée de son mandat, le droit de la commune de Meaux d’agir en justice et le pouvoir de la représenter, ces délégations pouvant être générales, dans les termes de l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, aucune mention spécifique relative aux régularisations de procédure n’étant exigée, faisant ainsi ressortir que les assignations des 7 et 14 mars 2008 étaient valables en raison de cette délibération adoptée, en tout état de cause, dans le délai de prescription de l’action de la commune, de dix ans, la cour d’appel, a, par ces seuls motifs, non critiqués, légalement justifié sa décision »
Il suffit donc qu’une délibération ait été régulièrement adoptée, avec publication, au moment de la délivrance de l’assignation, pour que le Maire puisse ester en justice.
Les collectivités territoriales devront néanmoins faire de prudence devant le Juge pénal, celui-ci ayant une approche plus restrictive que le son homologue civil.