La réception est un acte important et décisif à plusieurs titres dans la vie d’un ouvrage. Il en va aussi ainsi dans le cadre du contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan, prévu aux articles L. 231-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation (CCH). Une particularité est cependant prévue à l’article L. 231-8 de ce même Code.
Le législateur, conscient tant de l’enjeu que représente la réception que du déséquilibre pouvant exister entre maître d’ouvrage profane et professionnel de la construction, a prévu que le maître d’ouvrage qui n’est pas assisté d’un professionnel lors de la réception dispose d’un délai supplémentaire de 8 jours pour dénoncer des vices apparents :
« Le maître de l’ouvrage peut, par lettre recommandée avec accusé de réception dans les huit jours qui suivent la remise des clefs consécutive à la réception, dénoncer les vices apparents qu’il n’avait pas signalés lors de la réception afin qu’il y soit remédié dans le cadre de l’exécution du contrat.
La disposition prévue à l’alinéa précédent ne s’applique pas quand le maître de l’ouvrage se fait assister, lors de la réception, par un professionnel habilité en application de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 précitée ou des articles L. 111-23 et suivants ou par tout autre professionnel de la construction titulaire d’un contrat d’assurance couvrant les responsabilités pour ce type de mission »
Cette faculté doit être expressément indiqué dans le contrat de construction de maison individuelle (Article L. 231-2, f) du CCH).
Par ailleurs, ce délai de 8 jours repousse d’autant la libération de la garantie de livraison.
Une vigilance toute particulière doit donc être accordée à la question de la réception sans réserves des vices apparents dans le cadre d’un CCMI et il est nécessaire de vérifier en particulier
- la question de l’assistance du maître d’ouvrage par un professionnel
- le délai de 8 jours durant lequel le maître d’ouvrage non assisté a pu dénoncer un désordre.
L’arrêt de la Cour de cassation du 11 Juillet 2019 (C.Cass., Civ. 3ème, 11 juillet 2019, n°18-14511) le rappelle.
En l’espèce, sur le plan factuel et procédural, il convient de retenir que :
- R… a conclu avec la société Beaumont, assurée auprès de la société QBE insurance Europe limited, pour la garantie décennale et la garantie responsabilité professionnelle, un contrat portant sur la construction d’une maison individuelle ;
- R… était également assuré auprès de la société QBE insurance Europe limited au titre de l’assurance dommages-ouvrage
- un procès-verbal de réception sans réserve a été établi le 30 juin 2009
- à la même date M. R… et la société Beaumont ont conclu une transaction aux termes de laquelle celle-ci s’est engagée à réaliser certains travaux et M. R… à procéder à la consignation d’une certaine somme
- la société Beaumont a été mise en liquidation judiciaire et a fait l’objet d’un plan de cession au profit de la société Ambition Loire Ain Lyonnais, devenue la société Aria
- R… a assigné la société Beaumont, les organes de sa liquidation judiciaire, ainsi que la Société QBE en exécution des travaux définis par la transaction et en indemnisation de son préjudice.
Par un arrêt en date du 30 Janvier 2018, la Cour d’appel de GRENOBLE a notamment rejeté les demandes de Monsieur R. dirigées contre la Société QBE au motif que le procès-verbal de réception ne mentionne aucune réserve et que M. R… se plaint de désordres apparents.
Sous le visa de l’article L. 231-8 du CCH, la Cour de cassation
- rappelle que « le maître de l’ouvrage qui ne s’est pas fait assister lors de la réception peut, dans les huit jours qui suivent la remise des clefs consécutive à celle-ci, dénoncer les vices apparents qu’il n’avait pas signalés lors de la réception afin qu’il y soit remédié au titre de l’exécution du contrat«
- censure l’arrêt de la Cour d’appel aux motifs que « statuant ainsi, par un motif impropre à écarter l’application des garanties revendiquées par M. R… dès lors qu’il ne résulte, ni des constatations de l’arrêt ni des conclusions des parties que M. R… était assisté lors des opérations de réception, la cour d’appel a violé le texte susvisé« .
Le droit à indemnisation du maître d’ouvrage n’est cependant pas acquis :
- S’il est prouvé, devant la Cour d’appel de renvoi, que le maître d’ouvrage était assisté d’un professionnel au sens de l’article L. 231-8 du Code de la construction et de l’habitation. En ce sens, le constructeur de maison individuelle, lors de la réception, sera bien avisé de faire consigner l’identité et la qualité de toute personne assistant le maître d’ouvrage
- S’il est rapporté la preuve que le désordre en question n’a pas été dénoncé dans le délai de 8 jours, par courrier recommandé avec accusé de réception. La seule issue pour le maître d’ouvrage sera alors de tenter d’établir que le désordre était « caché », au rappel que le caractère apparent s’apprécie en référence à un maître d’ouvrage lambda, non technicien du bâtiment.
Prudence cependant à vérifier si les désordres dénoncés dans ce délai ne sont pas du fait du maître d’ouvrage : se poseraient alors des difficultés sur le plan probatoire.