L’article 1733 du Code civil fait peser sur le preneur à bail une présomption de responsabilité en cas d’incendie, jouant au bénéfice du bailleur.
Le locataire ne peut s’exonérer de cette présomption de cette responsabilité que dans des hypothèses limitées :
- Lorsque l’incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure
- L’incendie est lié à un vice de construction
- Le feu a été communiqué par une maison voisine.
La charge de la preuve pèse sur le locateur.
La jurisprudence est rigoureuse en la matière. Ainsi, le vice de construction qui n’a que contribuer à la diffusion de l’incendie et a ainsi aggravé l’étendue des dommages, n’a pas d’effet exonératoire (C.Cass., Civ.3ème, 23 janvier 2008, n°06-19520).
Elle fait preuve d’autant de rigueur dans l’appréciation des préjudices.
L’arrêt du 11 Juillet 2019 (C.Cass., Civ.3ème, 11 juillet 2019, 18-15424) amenait à s’interroger sur la prise en compte de l’attitude du bailleur pour minorer éventuellement son droit à réparation, sur sa propre responsabilité et sur l’octroi d’éventuels dommages et intérêts alors même que le bail serait résilié.
Sur le plan factuel, il convient de retenir que :
- le 11 novembre 2012, un incendie a détruit partiellement un hangar appartenant à la société civile immobilière Adela et donné à bail commercial à la société Laboratoires Xylobell
- le 25 janvier 2013, le bailleur a signifié au preneur la résiliation de plein droit du bail à effet du 12 novembre 2012
- reprochant au bailleur de ne pas avoir sécurisé les locaux et d’avoir tardé à procéder aux travaux de désamiantage des locaux et des machines laissées sur place, la société Laboratoires Xylobell l’a assigné en paiement des frais de remise en état des machines vandalisées, ainsi que de dommages-intérêts au titre de sa perte d’exploitation
- à titre reconventionnel, la société Adela a demandé la condamnation de la société Laboratoires Xylobell au paiement d’une certaine somme au titre de la perte de chance de percevoir un loyer de décembre 2013 à décembre 2014
- la société Groupama Méditerranée, assureur du bailleur et du preneur, a été appelée en garantie.
Au travers de cette affaire, il était reproché au bailleur :
- de s’être abstenu de faire procéder sans délai au désamiantage des lieux et des machines appartenant au locateur, et d’avoir, ainsi, causé un préjudice à celui-ci. Par son arrêt du 1er Février 2018, la Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE a donc condamné le bailleur à indemniser son locataire de ce préjudice
- d’avoir commis une faute en faisant procéder tardivement à la démolition du bâtiment, le privant ainsi de la possibilité de solliciter une indemnisation de son préjudice de perte de loyers pour les mois de décembre 2013 à décembre 2014. La Cour d’appel l’a donc déboutée de cette demande.
L’arrêt de la Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE est censuré sur ces deux points.
Premièrement, sur la faute du bailleur, et sous le visa des articles 1733 (présomption de responsabilité du locataire en cas d’incendie) et 1240 du Code civil (ancien article 1382, responsabilité délictuelle), la Cour de cassation retient que
- « la responsabilité de l’incendie incombait au preneur et que la nécessité de procéder aux travaux de désamiantage était une conséquence directe du sinistre«
- La Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en estimant « qu’à la suite de l’incendie, le bailleur s’est abstenu de faire procéder sans délai au désamiantage des lieux et des machines appartenant au preneur de sorte qu’il a commis une faute directement liée aux préjudices matériels invoqués par ce dernier«
Ainsi, le locataire qui ne parvient pas à s’exonérer de sa responsabilité, et doit donc assumer toutes les conséquences qui en découlent, sans pouvoir reprocher à son (ancien) bailleur de ne pas avoir pris les dispositions nécessaires pour limiter son préjudice.
Deuxièmement, l’arrêt est censuré de nouveau sous le seul visa de l’article 1733 du Code civil par la Cour de cassation qui rappelle que « le preneur dont la responsabilité est engagée sur le fondement de ce texte doit réparer l’entier dommage causé par l’incendie et indemniser le bailleur de la perte des loyers jusqu’à la reconstruction de l’immeuble, même si le bail a été résilié« .
Selon la Cour de cassation, en vertu de ces dispositions et de ce principe, il n’était pas possible de reprocher au bailleur d’avoir tardé à mettre en œuvre les travaux de démolition.
Il s’en déduit qu’il n’est pas possible de reprocher au bailleur de ne pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour limiter son propre préjudice.
A ce jour, dans le corpus juridique actuel, il n’existe pas d’obligation pour la victime de prendre les mesures nécessaires pour minorer son préjudice.
Les choses pourraient évoluer avec le projet de réforme de la responsabilité civile, puisque serait inséré dans le Code civil un article 1263 qui édicterait que « sauf en cas de dommage corporel, les dommages et intérêts sont réduits lorsque la victime n’a pas pris les mesures sûres et raisonnables, notamment au regard de ses facultés contributives, propres à éviter l’aggravation de son préjudice« .
Le Sénat doit se pencher sur ce projet prochainement.
Pour l’instant, c’est au responsable de prendre toutes les dispositions nécessaires pour limiter l’aggravation des préjudices, quitte à prendre les choses en mains en proposant au plus vite au bailleur victime, une indemnité en mesure de lancer les travaux réparatoires.