La Cour de cassation apporte un rappel important concernant l’application de l’article L. 211-9 du Code des assurances (C.Cass., Civ. 2ème, 23 mai 2019, pourvoi n°18-15795).
Le Décret n° 88-260 du 18 mars 1988 définit les modalités d’indemnisation de la victime d’un accident par l’assureur.
Afin de favoriser une indemnisation amiable et rapide de la victime, des délais sont prévus à l’article L. 211-9 du Code des assurances :
« Quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n’est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l’assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d’un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d’indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d’indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n’est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n’a pas été entièrement quantifié, l’assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.
Une offre d’indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l’accident. En cas de décès de la victime, l’offre est faite à ses héritiers et, s’il y a lieu, à son conjoint. L’offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu’ils n’ont pas fait l’objet d’un règlement préalable.
Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime. L’offre définitive d’indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation.
En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s’applique.
En cas de pluralité de véhicules, et s’il y a plusieurs assureurs, l’offre est faite par l’assureur mandaté par les autres »
L’article L. 211-13 du Code des assurances prévoit les sanctions en cas de non-respect de ces délais :
« Lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis à l’article L. 211-9, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l’assureur »
La sanction est donc financière avec l’application des intérêts au double du taux légal. Il sera rappelé au passage que depuis le 1er semestre 2015, un taux différent s’applique selon que le créancier est considéré comme professionnel ou particulier, cette dernière qualification emportant un taux bien supérieur (3,40 % pour le 1er semestre 2019 contre 0,86 %).
Il convient d’ajouter que l’indemnisation de la victime peut s’inscrire soit dans le cadre d’un dommage initial, soit dans le cadre d’un dommage en aggravation.
Faute de précision insérée dans l’article L. 211-9 du Code des assurances, se posait alors la question de l’application des délais impératifs à l’indemnisation d’une victime en aggravation.
En l’espèce, il convient de retenir que :
- le 22 août 1990, M. X…, alors âgé de 13 ans, a été victime d’un accident corporel de la circulation impliquant un véhicule assuré par un assureur néerlandais ;
- X… a été indemnisé de son préjudice corporel à l’issue d’une transaction
- son état de santé s’étant aggravé à partir de 2004, M. X… et sa compagne, Mme Y…, agissant tant en leur nom personnel qu’en qualité de représentants légaux de leur fille Z… X…, ont assigné l’association Le Bureau central français (le BCF) en indemnisation de leurs préjudices
- en cause d’appel, la société Reaal Schadeverzekeringen NV, devenue la société Vivat Schadeverzekeringen, assureur du véhicule impliqué, est intervenue volontairement à l’instance et le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) a été assigné en intervention forcée
- par un arrêt en date du 19 Février 2018, la Cour d’appel de PARIS a condamné le BCF et la société Vivat Schadeverzekeringen à payer à M. X… les intérêts au double du taux de l’intérêt légal sur le montant de l’indemnité offerte dans les conclusions dudit Bureau notifiées le 9 février 2015, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 12 mars 2014 et jusqu’au 9 février 2015.
Le 1er moyen, relatif à la prise en charge par le FGAO, ne sera pas ici abordé.
Sur le 2ème moyen, le BCF et l’assureur néerlandais reprochait à l’arrêt de la Cour d’appel de PARIS d’avoir prononcer une condamnation au double des intérêts au taux légal, soutenant que
- « seul le dommage corporel initial doit faire l’objet d’une offre d’indemnisation dans les conditions prévues par l’article L. 211-9 du code des assurances, à l’exclusion du dommage aggravé«
- « en jugeant, pour condamner le BCF à payer à M. X… des intérêts au double du taux légal, qu’il aurait été tenu de formuler une offre d’indemnisation dans le délai de cinq mois à compter de la date à laquelle il avait été informé de la connaissance de la consolidation du dommage aggravé, la cour d’appel a violé l’article L. 211-9 du code des assurances« .
La Cour de cassation rejette le pourvoi, estimant que :
- « faute de prévoir une distinction, les dispositions de l’article L. 211-9 du code des assurances sont applicables au dommage aggravé, ce dont il résulte que l’assureur est tenu de présenter à la victime une offre d’indemnisation dans le délai de cinq mois à compter de la date à laquelle il est informé de la consolidation de l’état aggravé de la victime«
- « dès lors, c’est sans encourir les griefs du moyen que la cour d’appel a fait application de la sanction prévue à l’article L. 211-13 du code des assurances, en l’absence de présentation à M. X… d’une offre d’indemnisation dans ce délai« .
L’assureur doit donc être particulièrement vigilant et surveiller les délais applicables, étant rappelé que la contestation de l’aggravation ne le dispense pas de devoir présenter une offre, y compris si l’assuré lui-même conteste les conclusions de l’Expert (C.Cass., Civ. 2ème, 25 Juin 2009, pourvoi n° 08-14837).