Le Conseil d’Etat a prononcé le 9 Mai 2019 (avis n° 426321) un avis important concernant l’exercice par l’ONIAM de ses recours subrogatoires, en recourant notamment aux titres exécutoires.
Le Code de la santé publique permet en effet à l’ONIAM, et surtout son comptable public, d’émettre des titres exécutoires, par un renvoi aux dispositions des titres Ier et III du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.
Le recours aux titres exécutoires présente un intérêt immédiat pour l’ONIAM en le dispensant de saisir le Juge pour tenter de récupérer les sommes versées.
C’est alors au débiteur, visé par le titre exécutoire, de prendre l’initiative de saisir le Juge pour contester ce titre exécutoire, avec le respect scrupuleux de la procédure applicable, sous peine de perdre tout droit à opposition, en respectant la procédure définie à l’article 118 du Décret du 7 Novembre 2012 :
« En cas de contestation d’un titre de perception, avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser cette contestation, appuyée de toutes pièces ou justifications utiles, au comptable chargé du recouvrement de l’ordre de recouvrer.
Le droit de contestation d’un titre de perception se prescrit dans les deux mois suivant la notification du titre ou, à défaut, du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause.
Le comptable compétent accuse réception de la contestation en précisant sa date de réception ainsi que les délais et voies de recours. Il la transmet à l’ordonnateur à l’origine du titre qui dispose d’un délai pour statuer de six mois à compter de la date de réception de la contestation par le comptable. A défaut d’une décision notifiée dans ce délai, la contestation est considérée comme rejetée.
La décision rendue par l’administration en application de l’alinéa précédent peut faire l’objet d’un recours devant la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de cette décision ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d’expiration du délai prévu à l’alinéa précédent »
La vigilance est donc de mise, faute de quoi le débiteur perdra toute possibilité de contester le titre exécutoire, en particulier s’il n’est pas attentif aux délais. C’est donc sur lui que pèse le risque procédural et l’ONIAM en titre ainsi un bénéfice.
Par cet avis, le Conseil d’Etat apporte des précisions sur 4 points.
Le 1er point confirme la possibilité pour l’ONIAM d’émettre un titre exécutoire, qui est strictement limité à la somme qu’il a versé à la victime.
Par contre, l’ONIAM ne peut pas émettre de titre exécutoire pour la pénalité définie par l’article L. 1142-15 du Code de la santé publique : « En cas de silence ou de refus explicite de la part de l’assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n’est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l’assureur ou le responsable à verser à l’office une somme au plus égale à 15 % de l’indemnité qu’il alloue« .
Ainsi, si l’ONIAM veut obtenir cette « pénalité », il n’aura d’autres solutions que de saisir le Juge.
Car, malgré la possibilité d’émettre des titres exécutoires, l’ONIAM peut toujours préférer saisir le Juge.
C’est le 2ème point précisé par le Conseil d’Etat qui précise que l’ONIAM ne peut cumuler les actions. L’ONIAM doit choisir entre la saisine du Juge ou l’émission d’un titre exécutoire :
« Toutefois, l’office n’est pas recevable à saisir le juge d’une requête tendant à la condamnation du débiteur au remboursement de l’indemnité versée à la victime lorsqu’il a, préalablement à cette saisine, émis un titre exécutoire en vue de recouvrer la somme en litige. Réciproquement, il ne peut légalement émettre un titre exécutoire en vue du recouvrement forcé de sa créance s’il a déjà saisi le juge ou s’il le saisit concomitamment à l’émission du titre »
Une fois la fois choisie, l’ONIAM doit s’y tenir.
Le Conseil d’Etat précise cependant qu’en cas d’indemnisation d’une victime pour aggravation, l’ONIAM n’est pas tenu de suivre la même voie procédurale. Les deux indemnisations demeurent donc indépendantes.
Le 3ème point concerne la contestation des titres exécutoires. Le débiteur peut en effet former opposition. Cette opposition a un effet suspensif, en vertu d’un principe général du droit.
Cet effet suspensif bénéficie au débiteur et lui évite de devoir faire l’avance de sommes parfois importantes, à charge de les récupérer contre l’ONIAM en cas d’action contentieuse couronnée de succès.
Le Conseil d’Etat précise que le Tribunal administratif territorialement compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu où s’est produit le fait générateur du dommage subi par la victime.
Lors de la contestation du titre exécutoire, l’ONIAM devra veiller, s’il entend la réclamer, à former une demande reconventionnelle au titre de la pénalité prévue par l’article L. 1142-15 du Code de la santé publique, faute de quoi il sera irrecevable « à saisir ultérieurement la juridiction d’une nouvelle requête tendant à la condamnation du débiteur au paiement de cette pénalité« .
Enfin, le 4ème point concerne les tiers payeurs.
Le Conseil d’Etat précise que si l’ONIAM a l’obligation d’informer les tiers payeurs concernés, s’il a connaissance du versement à la victime de prestations mentionnées à l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la ‘circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, afin que ceux-ci puissent faire valoir leurs droits auprès du tiers responsable, de son assureur ou du fonds institué à l’article L. 426-1 du code des assurances.
Il doit également les informer le cas échéant :
- de l’émission d’un titre exécutoire à l’encontre du débiteur de l’indemnité
- des décisions de justice rendues sur le recours formé par le débiteur contre ce titre.
Par contre, le Conseil d’Etat précise qu’il n’y a obligation pour le débiteur contestant le titre exécutoire d’appeler à la cause les tiers payeurs ayant servi des prestations.
En conséquence, il revient au débiteur touché par un titre exécutoire de faire preuve de vigilance et de bien respecter la procédure de contestation, car c’est sur lui que pèse dans un premier temps la charge de saisir le Juge.