Introduit par la Loi du 2 Février 1995, l’article L. 121-17 du Code des assurances marque une limite au principe de libre affection par l’assuré de l’indemnité versée par l’assureur. Cet article énonce que :
« Sauf dans le cas visé à l’article L. 121-16, les indemnités versées en réparation d’un dommage causé à un immeuble bâti doivent être utilisées pour la remise en état effective de cet immeuble ou pour la remise en état de son terrain d’assiette, d’une manière compatible avec l’environnement dudit immeuble.
Toute clause contraire dans les contrats d’assurance est nulle d’ordre public.
Un arrêté du maire prescrit les mesures de remise en état susmentionnées, dans un délai de deux mois suivant la notification du sinistre au maire par l’assureur ou l’assuré »
L’enjeu est important car l’indemnité peut être allouée avant même la mise en œuvre d’une expertise judiciaire. Cela implique la possibilité pour l’assureur d’engager une action aux fins de restitution en cas d’inemploi.
La Cour de cassation, par l’arrêt publié du 18 Avril 2019 (pourvoi n°18-13371), vient préciser les contours de ce texte.
Sur le plan factuel, il convient de retenir :
- Que le propriétaire d’une maison a déclaré deux sinistres à son assureur, liés à des inondations et coulées de boues, ayant donné lieu à des arrêtés de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle
- Pour le premier sinistre, l’assureur a proposé un règlement immédiat de 66 933 € outre un règlement différé, sur présentation des factures, de 29 924,50 €. Le propriétaire a accepté cette offre
- Pour le second sinistre, l’assureur a adressé un acompte de 10 000 € à valoir sur l’indemnisation du sinistre
- L’assureur a ensuite opposé une déchéance de garantie au motif que les pièces produites pour justifier de la remise en état et du remplacement des biens sinistrés après le premier sinistre n’avaient aucun caractère probant.
La Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE a condamné le propriétaire à verser à l’assureur une somme de 76 933 € incluant celle de 66 933 € perçue au titre du premier sinistre, en estimant que :
- le propriétaire ne justifie pas avoir affecté, conformément à l’article L. 121-17 du Code des assurances, l’indemnité d’assurance perçue à la remise en état effective de l’immeuble sinistré
- ce paiement de 66 933 euros est donc indu
- c’est à juste titre que le premier juge a estimé que M. X… devait restituer cette somme en application de l’article 1235 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.
La décision de la Cour d’appel est censurée sous le visa de l’article L. 121-7 du Code des assurances par la Cour de cassation, qui énonce que :
- les dispositions de l’article L. 121-17 du Code des assurances sont « applicables à l’ensemble des assurances de dommages« , prenant le soin de le souligner dans un paragraphe distinct
- l’étendue de l’obligation d’affectation des indemnités d’assurance édictée par le 1er alinéa de l’article L. 121-17 du Code des assurances est limitée au montant de ces indemnités nécessaire à la réalisation des mesures de remises en état prescrites, conformément au troisième, par un arrêté du maire
- pour obtenir la restitution de l’indemnité qu’il a versée, l’assureur doit établir que l’assuré n’a pas affecté celle-ci à la réalisation des mesures de remises en état définies par un arrêté du maire intervenu dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article susvisé
lui reprochant de ne pas avoir constaté « que les travaux de remise en état que l’assureur reprochait à M. X… de ne pas avoir fait accomplir au moyen de l’indemnité versée au titre du premier sinistre avaient été prescrits par un arrêté intervenu conformément aux dispositions du dernier alinéa de l’article L. 121-17 du code des assurances« .
Dès lors, pour fonder une action sur l’article L. 121-7 du Code des assurances, l’assureur, demandeur à la restitution, devra veiller à examiner préalablement les travaux prescrits par l’arrêté du Maire.
Il n’en demeure pas moins que l’assureur devra rester vigilant concernant l’emploi des fonds et vérifier leur bonne affectation, en ne perdant pas de vue les délais de prescription :
- soit les fonds versés excèdent le montant des travaux strictement nécessaires pour répondre aux prescription de l’arrêté municipal : c’est alors le délai de prescription biennale car l’action découlera du contrat d’assurance (Cass., Civ. 1ère, 26 Avril 2000, pourvoi n°97-21554)
- soit l’assureur ne doit pas in fine sa garantie, et c’est alors que le délai de prescription de 5 ans qui s’appliquera (Cass., Civ. 3ème, 27 Mai 2010, pourvoi n° 09-15412).
Cet arrêt apporte une précision supplémentaire à l’interprétation de l’article L. 121-17 du Code des assurances, la Cour de cassation ayant pu préciser antérieurement que ce texte « ne subordonne pas le versement des indemnités dues en réparation d’un dommage causé à un immeuble bâti à la justification par l’assuré de la réalisation préalable des travaux de remise en état« , de sorte qu’il n’appartient pas à l’assuré de pré-financer les travaux de reprise (C.Cass., Civ. 2ème, Chambre civile 2, 29 mars 2006, pourvoi n°05-10.841).