Sont soumis au régime de la responsabilité décennale :
- Les travaux constitutifs d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil
- Les dommages qui affectent la solidité des éléments d’équipement d’un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert (article 1792-2 du Code civil)
- Le fabricant d’un EPERS au sens de l’article 1792-4 du Code civil
Sans oublier les simples installateurs d’un élément d’équipement engendrant un dommage de nature à rendre l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination en vertu d’une jurisprudence récente de la Cour de cassation (Civ. 3ème, 15 Juin 2017, pourvoi n° 16-19640, Civ. 3ème, 14 Septembre 2017, pourvoi n° 16-17323 et encore C.Cass., Civ. 3ème, 7 Mars 2019, pourvoi n° 18-11741).
L’article 1792-7 du Code civil précise que « ne sont pas considérés comme des éléments d’équipement d’un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d’équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage« .
Ces dispositions ont été introduites par l’Ordonnance n° 2005-658 du 8 Juin 2005 et tendent à sortir du terrain de la responsabilité décennal, les éléments d’équipement, ainsi que leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans un ouvrage.
L’arrêt de la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi n°18-11021) s’intéresse à la frontière entre ouvrage et éléments d’équipement dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans un ouvrage.
En l’espèce, la Société ARCELOR avait sollicité différentes entreprises pour la réalisation d’une installation de manutention de bobines de tôles d’acier, appelées coils, ayant pour objet de transporter les coils arrivant par le train de l’usine voisine à température tiède aux emplacements où ils devaient subir un refroidissement à l’air libre, puis à les reprendre pour les diriger vers le cœur de l’usine pour obtenir le produit fini.
Cette installation comportait
- une structure fixe, le « chemin de roulement »
- une structure mobile, « le pont roulant », qui se déplace en roulant sur la structure fixe et lève les coils depuis le sol puis les dépose en une autre position.
Des désordres sont apparus et la Société ARCELOR, après avoir obtenu le bénéfice d’une expertise judiciaire, a engagé des recours contre les intervenants au chantier et leurs assureurs respectifs.
La Cour d’appel de DOUAI, par un arrêt en date du 7 septembre 2017, a retenu le fondement décennal, estimant être en présence d’un ouvrage.
Les assureurs RCD avaient alors formé un pourvoi, soutenant notamment que les travaux réalisés étaient en réalité des éléments d’équipement dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans un ouvrage, et non un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil.
La Cour de cassation rejette le pourvoi en retenant que
- les travaux réalisés concernaient des travaux de charpente métallique, couverture, bardage, création de poutres et poteaux métalliques
- l’ensemble charpente-chemin de roulement était constitué d’une structure fixe ancrée au sol, dont l’ossature métallique reposait sur des poteaux érigés sur des fondations en béton et qui prolongeait un bâtiment trentenaire préexistant dans la halle 1 et prenait appui pour une de ses deux files sur la halle 2 et sa structure
- la Société C. avait livré une structure fixe sous-dimensionnée et la Société S. un pont roulant affecté d’un excès de masse incompatible avec l’utilisation de la structure fixe
- cet excès de masse avait contribué au dommage
pour conclure « cette installation constituait un ouvrage et que son ancrage au sol et sa fonction sur la stabilité de l’ensemble permettaient de dire qu’il s’agissait d’un ouvrage de nature immobilière« .
La notion d’ouvrage l’emporte.
Les décisions retenant l’application de l’article 1792-7 du Code civil sont rares.
Antérieurement, la Cour de cassation avait pu indiquer que « la construction, sur plusieurs kilomètres, d’une conduite métallique fermée d’adduction d’eau à une centrale électrique constitue un ouvrage » (C. Cass., Civ. 3ème, 19 janvier 2017, pourvoi n°15-25283).