Étant réputée constructeur, la personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire est tenue, pendant les dix années suivant la réception de l’ouvrage, d’une responsabilité pour faute prouvée en ce qui concerne les dommages intermédiaires (C.Cass., Civ. 3ème, 30 janvier 2025, n° 23-16.347)

Construire ou faire construire peut être lourd de conséquences et l’arrêt du 30 Janvier 2025 le confirme.

Concernant la responsabilité décennale, celle-ci suppose notamment la présence d’un constructeur au sens de l’article 1792-1 du Code civil, c’est-à-dire :

  • « 1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ;
  • 2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire ;
  • 3° Toute personne qui, bien qu’agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage«

Ainsi, le propriétaire d’un bien immobilier qui fait réaliser des travaux puis vend son ouvrage est donc susceptible de voir sa responsabilité recherchée sur le fondement décennal. Cela vaut

  • tant pour le maître d’ouvrage qui réalise lui-même les travaux (dit « le castor » ;  Cass., Civ. 3ème, 19 Septembre 2019, n° 18-19918)
  • que pour celui qui fait réaliser ces travaux par des locateurs d’ouvrage, dont il a tout intérêt à conserver les attestations d’assurance pour préserver ses recours.

Par un arrêt en date du 26 Novembre 2020, la Cour de cassation avait semblé limiter la responsabilité du maître d’ouvrage vendeur, consécutivement à des travaux de rénovation, qu’à la condition que les dommages compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination (C.Cass., Civ. 3ème, 26 Novembre 2020, n°18-18756).

Cependant, objectivement, rien ne permettait de réduire la responsabilité du maître d’ouvrage vendeur aux seuls désordres de nature décennale puisque sa responsabilité découle de sa qualité de constructeur. Une ouverture vers la garantie des vices intermédiaires était donc possible, ce que la Cour de cassation vient d’indiquer dans son arrêt du 30 Janvier 2025 (C.Cass., Civ. 3ème, 30 janvier 2025, n° 23-16.347).

La garantie des vices intermédiaires a vocation à s’appliquer lorsque la responsabilité d’un constructeur ne peut être recherchée sur le fondement de la garantie de bon fonctionnement ou de la garantie décennale, à condition :

Il s’agit d’un régime de responsabilité pour faute prouvée, exclusif d’une obligation de résultat (C.Cass., Civ. 3ème, 16 janvier 2020, n°18-22748).

Dans l’arrêt du 30 Janvier 2025 (C.Cass., Civ. 3ème, 30 janvier 2025, n° 23-16.347), les faits sont très simples :

  • le 13 mars 2015, les consorts [I]-[Z]) ont acquis de M. et Mme [U] une propriété sur laquelle M. [U] avait réalisé un mur de soutènement.
  • se plaignant de désordres affectant ce mur, les consorts [I]-[Z] ont, après expertise, assigné M. et Mme [U] en réparation

Par un arrêt en date du 29 Mars 2023, la Cour d’appel de LYON a

  • écarté le fondement décennal, en l’absence notamment de certitude concernant la gravité décennale dans le délai d’épreuve (ce qui est conforme à la jurisprudence de la 3ème Chambre civile qui a déjà énoncé que les désordres doivent atteindre de manière certaine, dans les dix ans après la réception de l’ouvrage, la gravité requise pour la mise en œuvre de la garantie décennale alors que le caractère inéluctable des infiltrations précisé par l’Expert est insuffisant Cass., Civ. 3ème, 21 Septembre 2022, n° 21-15455).
  • Rejeté les demandes présentées par les consorts [I]-[Z] sur le fondement contractuel

Les consorts [I]-[Z] ont formé un pourvoi.

Sous le visa des articles 1792-1, 2°, et 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, du code civil, la Cour de cassation rappelle que

  • Selon le premier de ces textes, est réputé constructeur la personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire.

 

  • Aux termes du second, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part

avant d’examiner la motivation de la Cour d’appel de LYON qui avait considéré que

  • les désordres constatés par l’expert n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 1792 du code civil
  • les acquéreurs ne sont pas fondés à soutenir que la responsabilité de droit commun des vendeurs serait engagée, les parties n’étant pas liées par un contrat de construction mais par un contrat de vente.

Ainsi, pour la Cour d’appel de LYON, le contrat de vente excluait toute responsabilité en tant que constructeur. Cela était déjà incohérent au regard de la responsabilité encourue sur le fondement décennal.

La 3ème Chambre civile de la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel  « qu’étant réputée constructeur, la personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire est tenue, pendant les dix années suivant la réception de l’ouvrage, d’une responsabilité pour faute prouvée en ce qui concerne les dommages intermédiaires ».

Dès lors, la responsabilité du vendeur de l’ouvrage peut être recherchée sur le fondement de la garantie des vices intermédiaires, à supposer de démontrer une faute.

Prudence pour le maître d’ouvrage vendeur qui a réalisé lui-même les travaux car

  • il n’est pas assuré à ce titre
  • il est privé de recours contre des constructeurs.

Concernant le point de départ du délai de forclusion pour les travaux réalisés lui-même par le maître d’ouvrage vendeur, il a déjà été indiqué qu’il s’agit de l’achèvement des travaux et non la date de réception (Cass., Civ. 3ème, 19 Septembre 2019, n° 18-19918).

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