Par un arrêt – non publié – du 2 Mars 2022 (C.Cass., Civ. 3ème, 2 Mars 2022, n° 21-12096), la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a l’occasion de revenir de nouveau sur la question des activités déclarées lors de la souscription du contrat d’assurance.
Cet arrêt mérite d’être souligné en raison du soin rédactionnel apporté et des explications développées par la 3ème Chambre civile.
Il s’agit pourtant d’une question récurrente en jurisprudence a été validée une non-garantie pour :
- Une entreprise qui avait conclu un contrat de construction de maison individuelle alors qu’elle « avait souscrit un contrat d’assurance garantissant uniquement les travaux de techniques courantes correspondant aux activités déclarées de gros œuvre, plâtrerie – cloisons sèches, charpentes et ossature bois, couverture- zinguerie, plomberie – installation sanitaire, menuiserie – PVC» (, Civ. 3ème, 18 octobre 2018, pourvoi n°17-23741)
- une entreprise générale qui sous-traite la totalité des travaux et exerce une mission de maîtrise d’œuvre (, Civ.3ème, 18 avril 2019, pourvoi n°18-14028).
Les difficultés proviennent surtout des procédés techniques employés pour l’exercice de l’activité déclarée. Ainsi, la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a déjà pu valider une non-garantie pour :
- Une entreprise qui « avait souscrit une police garantissant ses responsabilités civile et décennale en déclarant l’activité n° 10 « Etanchéité sur supports horizontaux ou inclinés exclusivement par procédé Paralon» alors qu’elle a « mis en œuvre un procédé d’étanchéité Moplas sbs et non un procédé Paralon » (, Civ. 3ème, 8 novembre 2018, pourvoi n°17-24488)
- Une entreprise souscriptrice qui n’avait pas réalisé ses travaux en respectant le procédé déclaré (procédé Harnois ; (, Civ. 3ème, 30 Janvier 2019, pourvoi n°17-31121: « la cour d’appel a exactement retenu qu’au regard de la réalisation de ce type de travaux, conformément à des techniques particulières nécessitant des compétences spécifiques que l’entrepreneur était supposé détenir à la date de la souscription de son contrat d’assurance, les parties avaient entendu limiter la garantie de l’assureur en sorte que le recours au procédé Harnois contenu dans la clause relative à l’objet du contrat ne constituait pas une simple modalité d’exécution de l’activité déclarée, mais cette activité elle-même »).
- Le procédé Harnois, impliquant des techniques particulières nécessitant des compétences spécifiques, que l’entrepreneur était supposé détenir à la date de la souscription de son contrat d’assurance, les parties avaient entendu limiter la garantie de l’assureur de sorte que le recours au procédé Harnois contenu dans la clause relative à l’objet du contrat ne constituait pas une simple modalité d’exécution de l’activité déclarée, mais cette activité elle-même (Cass., Civ.3ème, 16 Janvier 2020, n°18-22108).
Tout n’est cependant pas gagné pour l’assuré puisqu’en cas d’activités multiples, il faut vérifier si les désordres correspondent à une activité déclarée, ou non, l’assureur
- ne pouvant exclure sa garantie lorsque le désordre provient de manière prépondérante de l’activité déclarée qui est assurée (, Civ. 3ème, 9 Juin 2004, pourvoi n° 03-10173; Cass., Civ. 3ème, 11 juillet 2019, pourvoi n°18-18477 ; C.Cass., Civ. 3ème, 9 Juillet 2020, n° 19-13568)
- pouvant exclure sa garantie lorsque le dommage provient principalement de l’activité non garantie (C.Cass, Civ. 3ème, 12 Mai 2010, pourvoi n° 08-20544).
Récemment (C.Cass., Civ. 3ème, 5 Mars 2020, n°18-15164), la Cour de cassation a validé un refus de garantie pour des travaux de maçonnerie alors que l’entreprise avait sous-traité des travaux de couverture.
Dans l’arrêt du 2 Mars 2022, les données factuelles sont simples :
- Mme [N] a confié des travaux de terrassement et de construction d’une maison à la société Gimenez, assurée auprès de la société Axa
- Invoquant des problèmes d’isolation, Mme [N] a, après expertise, assigné les sociétés Gimenez et Axa en indemnisation.
- L’entreprise GIMENEZ a sollicité reconventionnellement le paiement du solde de son marché.
Par un arrêt en date du 17 Décembre 2020, la Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE a rejeté le recours en garantie de la Société GIMENEZ contre la Société AXA dans la mesure où
- le constructeur n’était pas assurée pour l’activité de construction de maison individuelle
- une clause en caractères gras des conditions générales, reprises dans les conditions particulières du contrat d’assurance stipulait que l’assureur ne garantissait pas l’assuré intervenant en qualité de constructeur de maison individuelle
La Société GIMENEZ a formé un pourvoi, en soutenant que cette clause devait être réputée non écrite car faisant échec aux règles d’ordre public relatives à l’étendue de l’assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction.
La 3ème Chambre civile va rejeter le pourvoi par une réponse en 2 temps pour valider la position de non-garantie validée par la Cour d’appel.
Dans un 1er temps, la Cour de cassation rappelle que
« il est jugé que, si le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter des clauses d’exclusion autres que celles prévues à l’annexe I à l’article A. 243-1 du code des assurances, la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclaré par le constructeur »
visant en cela deux décisions
- l’une de la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation (Cass., Civ. 1ère, 28 Octobre1997, n° 95-19416)
- l’autre de la 3ème Chambre civile (Cass., Civ. 3ème, 28 Septembre 2005, n° 04-14472).
avant d’approuver la Cour d’appel d’avoir « exactement retenu que la société Axa, qui déniait sa garantie au titre de l’activité déclarée, invoquait non une clause d’exclusion de garantie, mais un cas de non-assurance ».
Dans ces conditions, les dispositions et la jurisprudence afférente aux clauses d’exclusion de garantie n’avaient pas lien de s’appliquer.
Puis dans un 2nd temps, la 3ème Chambre civile retient que la Cour d’appel a
- constaté que l’objet du marché conclu entre Mme [N] et la société Gimenez était la construction d’une maison basse consommation, clé en main, de type Euromac, hors assainissement et peinture intérieure, comprenant gros œuvre et second oeuvre, hors terrassement, fosse septique et étanchéité, et
- relevé qu’une clause en caractères gras des conditions générales, reprises dans les conditions particulières du contrat d’assurance stipulait que celui-ci ne garantissait pas l’assuré intervenant en qualité de constructeur de maison individuelle.
avant de l’approuver à nouveau d’avoir « déduit, à bon droit, sans être tenue de répondre à des conclusions inopérantes, que la garantie de la société Axa n’était pas due pour les travaux de construction réalisés par la société Gimenez pour Mme [N]« .
Explicitée, la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation confirme sa jurisprudence.