La réception tacite revient de nouveau dans les débats devant la Cour de cassation, signe que la notion pose encore difficultés dans son appréhension.
Après un temps de doute, la jurisprudence de la Cour de cassation se stabilise.
La Cour de cassation a pu retenir une réception tacite pour :
- pour un maître d’ouvrage qui a pris possession de son appartement avant l’achèvement des travaux et qu’à cette date, avait payé le montant des travaux déjà réalisés (, Civ. 3ème, 18 Mai 2017, pourvoi n°16-11260)
- pour un maître d’ouvrage qui a pris possession de l’ouvrage et auquel aucune somme ne lui était réclamé au titre du solde du marché (, Civ. 3ème, 24 novembre 2016, pourvoi n° 15-25415).
En retour, la 3ème Chambre civile a pu écarter la réception tacite
- au vu de l’allégation d’un abandon de chantier et, de manière concomitante, la contestation systématique et continue de la qualité des travaux par le maître de l’ouvrage (Cass., Civ. 3ème, 4 avril 2019, pourvoi n°18-10412).
- aux motifs que l’absence de justification du paiement du coût des travaux réalisés et la contestation par le Maître d’ouvrage de la qualité de ceux-ci permettent de déduire son absence de volonté d’accepter l’ouvrage en son état lors de sa prise de possession (Cass., Civ. 3ème, 16 mai 2019, pourvoi n°18-15187).
- en l’absence notamment de règlement du solde et de signature de l’attestation de bonne fin de travaux (Cass., Civ. 3ème, 16 Septembre 2021, n° 20-12372)
Elle a en outre pu préciser que
- lorsque la prise de possession et le paiement du solde sont identifiés à des dates différentes, il faut retenir la date du paiement du solde (Cass., Civ. 3ème, 12/11/2020 n°19-18213)
- Le paiement de la facture d’un locateur d’ouvrage est insuffisant pour caractériser une réception tacite et partielle faute de prise de possession du lot (Cass., Civ. 3ème, 11 juillet 2019, n°18-18325).
Dans l’arrêt du 5 Janvier 2022, les données factuelles et procédurales sont les suivantes :
- par acte authentique dressé le 2 août 2013 par Mme [G], notaire, M. et Mme [W] ont vendu à M. et Mme [X] un immeuble à usage d’habitation qu’ils avaient fait édifier en 2006 par la société Les Constructions nouvelles, depuis en liquidation judiciaire.
- Alléguant l’apparition de fissures affectant les murs de soutènement bordant la descente de garage et la découverte d’anomalies affectant la toiture, M. et Mme [X] ont assigné leurs vendeurs en référé expertise le 8 novembre 2016 et au fond, en indemnisation de leurs préjudices, le 10 janvier 2018.
Par un arrêt en date du 24 Septembre 2020, la Cour d’appel d’AMIENS a déclaré irrecevable l’action des acheteurs contre leurs vendeurs, aux motifs que
- en l’absence de réception expresse, il convient de rechercher les éléments établissant la volonté non équivoque des vendeurs de recevoir l’ouvrage,
- si les vendeurs ne justifient pas du paiement de l’intégralité du prix du contrat de construction de maison individuelle, il résulte des documents versés aux débats qu’ils avaient effectivement pris possession de l’ouvrage avant le 21 mai 2007, date de la déclaration d’achèvement des travaux retenue par l’expert judiciaire comme date de réception,
- aucun autre élément ne permettant de conclure que l’immeuble n’était pas en état d’être réceptionné le 3 avril 2006, date à laquelle ils soutiennent avoir emménagé dans l’immeuble, il y a lieu de fixer la date de la réception tacite, sans réserve, au 3 avril 2006.
Les acheteurs ont formé un pourvoi et la Cour de cassation va suivre leur raisonnement, en censurant l’arrêt d’appel
- sous le visa de l’article 1792-6 du code civil
- énonçant qu’il résulte de ce texte que la réception de l’ouvrage peut être tacite si la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage d’accepter cet ouvrage est établie.
- rappelant que la seule prise de possession n’établit pas la volonté tacite du maître de l’ouvrage de réceptionner les travaux.
Devant la Cour de renvoi, il sera intéressant de rechercher d’autres indices, tels des contestations au moment de la prise de possession, une retenue de garantie ou encore un paiement concomitant du solde des factures.