La responsabilité de la responsabilité DO au sujet de l’efficacité des travaux de reprise qu’il finance est une question régulièrement abordée en jurisprudence depuis un arrêt de 2005 (C.Cass., Civ. 3ème, 7 décembre 2005, n°04-17418), confirmé ensuite (C.Cass., Civ. 3ème, 11 février 2009, n°07-21761).
Sa responsabilité peut être retenue alors même que celle de son Expert DO est écartée (C.Cass., Civ. 3ème, 7 décembre 2005, n°04-17418).
Il incombe à l’assureur DO de rapporter la preuve de ce que les travaux qu’il a financés étaient efficaces (C.Cass., Civ. 3ème, 29 juin 2017, n°16-19634).
La responsabilité de l’assureur MRH est plus rarement abordée. La question présente cependant un intérêt pratique non négligeable et peut s’inscrire dans les suites d’un premier sinistre.
Les données factuelles de l’espèce sont les suivantes :
- le 4 novembre 2011, la maison de M. X ayant subi une inondation, son assureur au titre des catastrophes naturelles, la société Pacifica, a pris en charge les travaux de réparation.
- La société Solinjection, assurée auprès de la SMABTP, a été chargée des injections préconisées et la société Alliance BTP, assurée auprès de la SMABTP, a repris les fissures des façades et assumé la maîtrise d’œuvre.
- Le 16 octobre 2012, ces travaux ont été réceptionnés sans réserve.
- Se plaignant de la réapparition de désordres au niveau des murs, du sol et du carrelage des façades, M. X a, après expertise et obtention d’une provision de 40 000 euros, assigné les sociétés Pacifica, Solinjection, Alliance BTP, devenue Determinant, et la SMABTP en indemnisation.
Par un arrêt en date du 19 Septembre 2019, la Cour d’appel d’AIX EN PROVENANCE a notamment rejeté les demandes d’indemnisations formées par Monsieur X. :
- contre la société Pacifica au titre des travaux de reprise des fondations et des frais de maîtrise d’œuvre et de conseil technique
- contre les sociétés Determinant et Solinjection et leur assureur, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs.
- Sur l’absence de responsabilité de l’assureur MRH :
A la différence de l’assureur DO, il revient au demandeur de rapporter la preuve d’une faute imputable à l’assureur MRH : tandis que l’assureur DO doit rapporter la preuve (parfois difficile voire impossible) de ce que les travaux qu’il a financés étaient efficaces (C.Cass., Civ. 3ème, 29 juin 2017, n°16-19634), c’est à l’assuré de rapporter la preuve d’une faute de la part de son assureur.
Déjà, par un arrêt en date du 23 octobre 2014 (C.Cass., Civ. 2ème, 23 Octobre 2014, n°12-29914), la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation avait écarté la responsabilité de l’assureur catastrophe naturelle aux motifs que :
- « il n’est nullement établi que l’assureur ait refusé de financer une étude technique ou qu’il en ait même discuté le principe«
- « il ne peut en conséquence être considéré qu’il a commis une faute personnelle en suivant les recommandations du professionnel en la matière dès lors que la société Z… n’a jamais proposé d’étude de sol et a établi un descriptif précis des travaux à réaliser qui ont été payés à l’entreprise qui n’a émis aucune protestation sur la nature des travaux qui lui ont été commandés sans discussion et à l’amiable«
Il en ressort que l’assureur MRH :
- ne répond que de sa faute personnelle, à l’exclusion de celle éventuellement imputable à l’entreprise intervenue en reprise
- ne commet pas de faute en reprenant à son compte les recommandations du professionnel missionné : a contrario, il pourrait en aller autrement s’il en détache.
Dans l’arrêt du 16 Septembre 2021, l’assuré soutenait notamment que « l’assureur est responsable à l’égard de son assuré des conséquences de l’inefficacité des travaux ».
Le moyen est écarté, la Cour de cassation
retenant que la Cour d’appel a relevé que
- la société Pacifica avait pris les précautions nécessaires pour déterminer la solution de réparation adéquate alors qu’elle avait indemnisé son assuré sur la base d’une étude géologique et géotechnique ayant préconisé un procédé de réparation par injection.
- sans dénaturation, d’une part, qu’il ressortait des conclusions de l’expert que ce n’était pas cette solution qui n’était pas adaptée, mais le procédé d’injection retenu par la maîtrise d’oeuvre, lequel nécessitait une étude de projet approfondie, qui n’avait pas été réalisée, pour vérifier son adéquation au contexte et imposait plusieurs phases d’injection avec des contrôles de résultat,
- si l’expert préconisait une réparation par micropieux, il ne concluait pas que la réparation par injection était un moyen inadapté et voué à l’échec et que l’expert de l’assureur s’était trompé.
avant de l’approuver d’avoir pu déduire que la société Pacifica
- qui n’avait pas été en charge des travaux,
- ne devait pas répondre de l’inefficacité des travaux mal conçus par le maître d’oeuvre et mal exécutés par l’entreprise.
Tout l’intérêt de l’assureur MRH sera donc de s’appuyer sur l’expertise et les compétences des professionnels missionnés, soit directement, soit par indirectement par l’intermédiaire d’un Expert ou d’un maître d’œuvre.
- Sur l’absence de responsabilité décennale des entreprises intervenues en réparation :
L’assuré a tenté aussi de rechercher la responsabilité décennale des entreprises intervenues en reprise.
Ici, le débat s’est porté, non pas sur la qualification d’ouvrage, mais sur l’imputabilité : le désordre dénoncé est-il imputable aux nouveaux travaux réalisés ou aux ouvrages d’origine ?
L’inefficacité de travaux de reprise n’emporte pas nécessairement mobilisation du fondement décennale.
La Cour de cassation a déjà pu écarter la responsabilité décennale d’une entreprise intervenue en reprise dès lors que ses ouvrages n’avaient pas contribué ni à l’apparition des désordres initiaux, ni à leur aggravation :
- Cass., Civ. 3ème, 15 juin 2017, n°16-17811 : « Mais attendu qu’ayant relevé que les fissures avaient pour origine des tassements différentiels des structures de la maison qui avaient perduré, malgré les confortements effectués, et retenu qu’il n’était pas démontré que les travaux préconisés de reprise de désordres préexistants, lesquels avaient été exécutés par la société Cariatide et s’étaient révélés inefficaces, aient été à l’origine des désordres initiaux, ni qu’ils les aient aggravés, la cour d’appel a pu déduire, de ces seuls motifs, qu’en l’absence de lien de causalité entre les travaux de reprise inefficaces et les désordres auxquels ils devaient mettre un terme, leur responsabilité de plein droit n’était pas engagée, de sorte qu’elle a légalement justifié sa décision de ce chef »
- Cass., Civ. 3ème, 8 avril 2014, 13-16692 : « si les travaux réalisés par la société Temsol ont été insuffisants, ils n’ont occasionné aucun désordre à l’immeuble, n’ont pas aggravé les désordres initiaux et ne constituent pas la cause des désordres actuels qui sont la suite directe du sinistre initial qui se poursuit, la cour d’appel a, de ce seul motif, pu déduire que la responsabilité décennale de l’entreprise ne pouvait être retenue«
- Cass., Civ. 3ème, 9 mars 2017, n°16-10806 .
La 3ème Chambre civile de la Cour de cassation confirme sa jurisprudence par cet arrêt du 16 Septembre 2021, en écartant la responsabilité décennale des entreprises intervenues en reprise, aux motifs que :
- La cour d’appel a rappelé que la présomption de responsabilité des constructeurs s’applique de plein droit, dès lors que les dommages sont imputables aux travaux réalisés et que ceux-ci compromettent la solidité de l’immeuble ou le rendent impropre à sa destination.
- Elle a retenu que le maître de l’ouvrage ne rapportait pas la preuve que les travaux de reprise avaient généré de nouveaux désordres ou fait réapparaître les désordres observés en 2012.
- Elle a pu en déduire, sans statuer par des motifs dubitatifs, que la garantie décennale des constructeurs ayant effectué les travaux de réparation n’était pas engagée.
Le choix du fondement juridique est important : en l’absence d’imputabilité, est-ce pour autant que les entreprises intervenues en reprise peuvent échapper à toute responsabilité ?
L’assuré peut envisager de rechercher leur responsabilité contractuelle ou délictuelle, selon qu’existe ou non un lien contractuel avec les entreprises.
La Cour de cassation a déjà estimé qu’une entreprise doivent « refuser d’exécuter les travaux qu’elle savait inefficace » (C.Cass., Civ. 3ème, 21 Mai 2014, n° 13-16855) et qu’il importe peu, au titre du devoir de conseil, que l’entreprise ait suivi les préconisations d’un Expert (C.Cass. Civ. 3ème, 11 mars 2015, n°13-28351 et n°14-14275).
Le débat pourra alors porter sur le préjudice et le lien de causalité, pour contester la prise en charge des travaux de reprise nécessaire.
Le maître d’ouvrage aura la possibilité de solliciter le remboursement des travaux réalisés mais l’entreprise pourra s’opposer à une telle demande en faisant valoir notamment que si ses travaux n’étaient pas suffisants, ils n’étaient pas pour autant inutiles (C.Cass., Civ. 3ème, 15 juin 2017, 16-17811).